7/10Contes et légendes du Québec

/ Critique - écrit par athanagor, le 04/05/2009
Notre verdict : 7/10 - Pogne-ça et bâdre-toi à le lire (Fiche technique)

Tags : quebec legendes contes legende histoire homme livres

Présentation des six histoires lauréates du concours Hachette Canada 2008, ce recueil se distingue surtout par une identité, fortement marquée par son dialecte étrange.

Résultat d'un concours sur le thème des contes et légendes québécois, ce recueil d'histoires se propose de faire connaître ses auteurs, les lauréats choisis dans la masse. Ainsi, la disparité de genres dont souffrent invariablement les recueils, ornés par des artistes aux univers dissemblables, se supporte pour le coup avec énormément de tendresse. Il n'est pas question ici de mettre en parallèle le travail de plusieurs auteurs autour d'un sujet, dont le résultat serait vendu comme un tout cohérent, issu de la réflexion d'une équipe, mais bien de présenter les effets produits par ce thème, en fait très vague, sur plusieurs productions de différents auteurs. Ainsi ils se voient garantir l'accès à la gloire, le succès et la fortune. Si, si !

On assiste donc à la découverte de ces nouveaux aventuriers du neuvième art, que l'on peine, certes, à tous qualifier de talentueux, mais qui sauront à l'avenir émerveiller petits et grands. Sur les six histoires présentées, toutes ne sont évidemment pas de la même qualité, bien qu'aucune ne soit véritablement à jeter aux orties. Toutes comportent au moins un intérêt, qui le plus souvent se loge au niveau du trait. C'est d'ailleurs assez naturel, les histoires étant déjà tirées du folklore, le travail du scénariste comporte un champ d'expression beaucoup plus réduit.

Ainsi, Le trésor du Cap-à-l'Orignal de Jean-Sébastien Bérubé qui ouvre le recueil et orne la couverture, porte un trait perturbé, sec et sombreVali qué ? Valiquette !
Vali qué ? Valiquette !
, assez propice à la noirceur de son sujet et à la cruauté de ses pirates. La chute pourtant laisse sur sa faim, et à part une énième histoire de flibuste, on ne comprend trop en quoi le travail répond à la commande.

Sautons délibérément quelques pages pour entrevoir le terrible destin de Valiquette et sa grande gueule qui fera de lui la victime malheureuse du fantôme de François Paul. Ostie de calice ! Contée par Normand Grégoire et illustrée par Daniel Lafrance, c'est encore une fois le dessin qui marque la différence dans cette histoire 100% folklore de veillée scout. Le trait et la couleur particulière nous replongent dans le style graphique du Creepshow de Stephen King et Bernie Wrightson, style particulièrement adapté aux histoires qui filent les choquottes.

Quelques pages en avant, et la dernière histoire, La Jam, sur un fond de gentil fantôme, propose le trait plus clair et plus académique de Serge Brouillet, qui porte l'histoire la moins palpitante et la moins intéressante du lot, tant graphiquement que narrativement.

Passons maintenant aux trois réelles découvertes, qui donnent à ce recueil son réel intérêt. Tout propriétaire pourra ainsi dire qu'il possède la BD où l'on vit pour la première fois le dessin d'Olivier Carpentier, qui malgré l'incompréhension générale où se trouve plongé le lecteur à la fin de Ouvrir au diable, propose un trait original entre le mouchetage et l'effleurage, posé sur des personnages graph', qui auraient pu être dessinés à la bombe en bas de chez vous.

Autre belle surprise graphique, Gabriel Champagne avec son glossaire québécois et sa gentiNon... la jam !
Non... la jam !
lle histoire un peu niaise, L'arbre à paparmanes, donne également dans l'originalité, avec un dessin pourtant difficilement adaptable à toute les sauces, mais qui pour l'occasion octroie à son sujet l'ambiance irréelle nécessaire. Ses perspectives fortes, ses visages effrontément expressifs, ses contours très appuyés, ainsi que cette couleur parfois habillant l'environnement, rappellent l'aspect particulier des illustrations de contes populaires slaves.

Le meilleur pour la fin, Gédéon et la bête du Lac. Seule histoire qui propose un réel intérêt scénaristique car traitant son sujet avec énormément d'humour. Mais il s'agit bien d'une semi-découverte, car si le dessin de Patrick Boutin-Gagné s'inscrit dans un style neuf et inspiré, et fait déjà la différence, tant au niveau expressif qu'an niveau du plaisir des yeux, le petit supplément vient de François Lapierre, scénariste et coloriste, qui n'en est pas à son coup d'essai dans le monde de la BD, même si son statut officiel de coloriste ne le prédispose apparemment pas à casser la troisième patte d'un canard en tant que scénariste.

Mets ta capine, tu vas pogner frette.

Evidemment, pour nous Français, loin de ces contrées fraîches et rudes, le parlé du là-bas porte un charme comique tout particulier. Et son exposition dans les diverses histoires contribue, bien que cela n'apparaissent pas comme un but, à donner une identité unique, gage de cohérence pour l'ensemble. Ainsi, on passe du pirate au loup-garou sans se méfier, car la transition est assurée par une rangée d'expressions incongrues et incompréhensible pour le commun des francophones, mais dont l'intuition et la drôlerie qui en découle huile la lecture et force la sympathie. Donc en plus d'avoir en main les premières œuvres d'artistes appelés à être confirmés, on tient également un ouvrage qui force le lecteur à sourire, certes du fait de son ignorance, mais à sourire tout de même.