Casiers judiciaires - Tome 2
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 08/03/2009 (Tags : thouron casiers lefred judiciaires tome aranega jeunesse
Lefred-Thouron et Diego Aranega continuent d'arpenter les couloirs des tribunaux, en y glanant de multiples anecdotes à l'impact comique variable.
Les lecteurs de Libé ont eu leur rasade supplémentaire d'historiettes juridiques : Lefred-Thouron au scénario, Diego Aranega au dessin, des gags en demi-pages... La formule reste la même, avec ses atouts (crédibilité) et ses défauts (crédibilité). On distingue dans ce deuxième tome une volonté peut-être un peu plus grande à refléter certaines réalités des tribunaux, comme par exemple l'incompréhension parfois totale entre les hommes de loi et le béotien qui leur fait face. Parmi les
personnages récurrents, on note également l'apparition d'un jeune chroniqueur judiciaire gaffeur, chapeauté par un vétéran moqueur, ainsi que quelques prévenus qui se font un devoir de récidiver régulièrement. Toujours pas de cas graves, mais on assiste à quelques histoires de divorces, en plus des voleurs de robes de mariées et des maris indignes chroniques.
Les cas présentent un peu plus de variété que précédemment, en conservant le même parti-pris : des gags ancrés dans la réalité, probablement presque tous glanés lors de véritables procès, qui reposent quasiment tous sur la bêtise des prévenus, leur inculture ou (plus rare) l'incongruité des situations. A aucun moment il n'est question de remettre en cause le moindre rouage du système judiciaire ou juridique, ni de dresser la plus petite parcelle de cynisme dans le regard porté sur la procédure ou les modalités mises en œuvre. Sans parler d'engagement, on pouvait espérer à travers une telle série, aussi humble soit-elle (il est question de remplir les demi-pages que Libération consacre à la BD par acquis de conscience, et que Dargaud relie en albums pour les lecteurs de Libération qui se sont familiarisés avec ce seul titre), que le point de vue apporté ne se contente pas d'être une moquerie consensuelle de la France profonde et de la jeunesse des cités (on grince des dents à la lecture de ce strip abominable sur le verlan) ; on reconnait pourtant une stigmatisation intéressante de quelques habitudes de langage. En revanche, les rares tentatives de s'affranchir du réalisme se soldent
généralement par un recyclage de clichés dignes des pires blagues de cour d'école, comme dans le gag On demande un volontaire : « cet abruti a un tatouage sur le sexe qui dit quelque chose comme "T'as le bonjour de Gérard" », mais « le tatouage n'est pas lisible lorsque le sexe du gars est au repos ». Notez l'usage du mot "sexe", bien que la scène ne se déroule pas au tribunal ; on n'est pas là pour dire des gros mots.
Par rapport au premier volume, l'écriture de Lefred-Thouron s'attache donc à développer quelques aspects écartés précédemment ; le dessin d'Aranega, de son côté, la joue pépère : les bonshommes ont toujours des trognes marrantes, et on finit par trouver familières celles des juges, du procureur et de Maître Pubert, mais les gestuelles corporelles finissent par toutes se ressembler, notamment à cause de cette habitude que la plupart des personnages ont de pointer leurs interlocuteurs à l'aide de leurs deux index.
Sympathique à feuilleter mais vite indigeste lorsqu'il est lu en continu, portant un regard assez fin mais pas engagé, ce deuxième tome confirme les impressions du premier : Casiers judiciaires est essentiellement un bêtisier de salles d'audience, lisible sans problème par ceux qui y travaillent.