6/10Brendan et le secret de Kells - Tome 1

/ Critique - écrit par athanagor, le 02/03/2009
Notre verdict : 6/10 - Koi ? Kells secret ? (Fiche technique)

Tags : brendan tome kells fenetre secret livre jeunesse

Neuf et inventif malgré des repères graphiques très anciens, cet album manque néanmoins son but en tant qu'objet littéraire, pour ne satisfaire qu'à la promotion du film dont il est tiré.

La bande dessinée n'est pas toujours une fin en soi. Parfois ell
e sert d'objet promotionnel ou de support à un autre média créatif, perdant ainsi tout son esprit et perdant les codes qui lui confèrent sa particularité. Cet album, comme la BD d'
Indiana Jones et le crâne de cristal, ou encore Stayin' Alive, livre d'une auteure dont personne ne se souvient, s'inspire du film Brendan et le secret de Kells.

Tiré du film éponyme, ce livre comporte donc des défauts majeurs survenant de la transposition de l'écran à la page et donc, du changement de format. Ainsi, malgré ses 52 pages, l'ouvrage se termine sur une impression d'avoir à peine commencé à parler sérieusement de l'histoire, sans en plus avoir eu le temps de poser l'intrigue. Brendan, censé démontrer des talents innés d'enlumineur dans le film, n'aura ici une plume dans la main qu'à l'occasion de l'extraction d'icelle du croupion de l'oie. Ne prenant que cet exemple, on sent bien le problème posé par des questions de durée et de développement existant entre les deux formats, le cinéma permettant de faire passer bien plus en bien moins de temps. On a ici le sentiment que ce tome 1 se termine vers la fin des 20 premières minutes du film.

Outre le problème de l'exposition de l'histoire, la transposition pose un second problème, celui des dialogues. Dans l'espace cinématographique, une foule de choses peut être exprimée dans une
contrainte moins importante que celle présentée par la BD et les limites de ses cases. Ainsi on sent les coupes sombres opérées dans le dialogue pour ne garder que le cœur de l'histoire, sacrifiant ainsi toutes les transitions. Une partie des dialogues semblent alors sauter du coq à l'âne et tombent comme un cheveu sur la soupe, forçant le lecteur à lever un sourcil dubitatif.

Malgré ces points, il faut admettre le grand talent de Tomm Moore, couplant à un dessin très particulier une histoire qui ne l'est pas moins. Toute l'intrigue s'appuie sur des faits réels. L'abbaye de Kells fondée au 9e siècle, au moment des attaques vikings sur l'Irlande qui constituent le fond de cette histoire, a bien été un des sanctuaire de l'évangéliaire de St Colomba (missionnaire irlandais du 6e siècle), ou livre de Kells, considéré comme le plus abouti des travaux d'enluminure du moyen-âge. Se servant de l'opposition entre le christianisme et le paganisme pour alimenter son intrigue et les aventures du jeune Brendan, Moore fournit un incroyable travail graphique, très inspiré par les travaux d'enluminure du moyen-âge, et notamment ceux du livre de Kells. Adoptant le style graphique d'alors, avec
des arrière-plans plus fouillés que les scènes dépeintes et leurs personnages, et le couplant à des techniques plus modernes, posant étrangement ses perspectives, ignorant certains détails pour donner plus une impression qu'une description, Moore parvient à créer un style particulier, qui donne parfois le sentiment d'être une reprise du style Art nouveau.

Au final, plus qu'une BD, on a le sentiment de lire un super story-board qui donne réellement envie de se déplacer pour aller voir l'histoire prendre vie sur grand écran, mais qu'il serait triste que le seul but des livres soit de nous envoyer au cinéma.