8.5/10Birmanie : La peur est une habitude

/ Critique - écrit par riffhifi, le 25/03/2008
Notre verdict : 8.5/10 - La Birmanie nie mais la dictature dure (Fiche technique)

Tags : birmanie peur habitude jeunesse format comics khiasma

Un exposé douloureux des conditions de vie dans un des pires pays de non-droit du monde. Entre le dernier Stallone et ce livre, on peut difficilement continuer à ignorer la situation en Birmanie.

Le sujet est d'actualité : tandis que Delcourt sort ses Chroniques Birmanes en librairie et que Stallone mobilise son personnage Rambo au cinéma, les éditions Carabas prennent l'initiative de rééditer un livre précédemment publié en 2003 par l'association Khiasma, en l'actualisant copieusement afin que les évènements des quatre dernières années soient pris en compte. Sans doute pas l'œuvre la plus médiatisée sur le sujet, mais certainement une des plus documentées. Et une des plus courageuses, pou son approche frontale du sujet et son refus d'en faire un divertissement : le texte y prend clairement le pas sur la bande dessinée. Le résultat n'est pas austère pour autant : les dessins sont inventifs et recherchés... Mais les textes retournent le cerveau et les tripes.

Ces multiples coups de projecteur sur la Birmanie sont peut-être dus au fait qu'en cette année 2008, on "fête" les 20 ans du régime militaire qui fait régner la terreur là-bas. Le SLORG (Conseil d'état pour la restauration de la loi et de l'ordre) fait de la vie en Birmanie un véritable enfer, pour les civils comme pour les soldats, depuis 1988 (même si la situation n'était pas particulièrement rose précédemment). A travers les témoignages de différentes personnes ayant vécu (ou vivant toujours) en Birmanie (ou plutôt au Myanmar, le nom officiel du pays que la plupart des gens refusent d'utiliser), l'album édité par Carabas évoque les réalités avec une précision qui laisse une boule dans la gorge. Humiliations, viols, violences... Ce
type de document fait brutalement baisser l'espoir qu'on peut placer dans la nature humaine.

A côté de la violence des textes, les pages de bande dessinée apparaissent presque comme des respirations. Un paradoxe : on s'attendait justement à ce que l'image ait un impact plus fort que les mots. Mais le choix graphique ici est plutôt d'évoquer les différents aspects du problème à travers des histoires elliptiques, parfois presque expérimentales, dessinées par divers artistes qui se rejoignent dans un usage assez cohérent du noir et blanc malgré leur dissimilitudes.

Clair, documenté et argumenté, l'album propose, en exergue des textes et des bandes dessinées, une carte détaillée et surtout un historique du pays : rapide jusqu'en 1988, il devient minutieux par la suite et reprend particulièrement les principaux évènements de janvier 2005 à octobre 2007. Histoire de rappeler que les évènements ont lieu maintenant, pas seulement à l'époque où certains des témoignages ont été recueillis (certains ont plus de dix ans). Mais quel pays va se décider à porter secours à une Birmanie dont le mal-être ne menace pas son confort (le pays est loin et il ne fournit pas spécialement de pétrole) ? De l'aide, les gens en demandent, mais ils n'obtiennent que la venue de sociétés comme Total qui travaillent avec le gouvernement militaire. Après tout, business is business.

Difficile de déterminer l'impact qu'un ouvrage à la diffusion aussi confidentielle peut avoir ; mais combiné aux autres appels à la prise de conscience, il pourrait bien être l'aliment de la réaction. Les Droits de l'Homme ont encore du chemin à faire.