6/10Mondo Reverso - Intégrale

/ Critique - écrit par Maixent, le 13/11/2022
Notre verdict : 6/10 - Les cow boys fringuantes (Fiche technique)

Tags : reverso mondo jeux livres western integrale fluide

Inversion au far west

La culture western hante notre imaginaire depuis l’avènement du cinéma, transformant les desperados et les vachers en héros des temps modernes. Devenu depuis un genre à part entière qui continue de séduire un large public comme on peut le voir en bande dessinée avec le succès toujours au rendez vous de Lucky Luke malgré la mort de Morris il y a plus de vingt ans ou encore celui de Bluebbery ou de Undertaker. Il faut dire aussi que depuis Brokeback Mountain, l’image du cowboy solitaire loin de son foyer a encore pris un autre tournant, mais il fallait quand même oser pour aller jusqu’à inverser la donne, jouant sur les notions de virilité propre au genre. Car ici, ce sont les femmes les personnages « badass » tandis que les hommes reprennent le rôle de Caroline Ingalls.


Une rencontre

 

Cornelia et Lindbergh n’auraient jamais du se rencontrer. Elle est une desperadette violente et sans attache, il est un homme au foyer dans une vie ordinaire, pour ne pas dire morne. Sa vie va changer lorsqu’il tente de sauver un homme d’une mort tragique. Déguisé en femme (à comprendre rasé de prêt dans un costume trois pièces et affublé d’un chapeau melon), il va s’engager dans une épopée à travers les paysages arides de l’Arizona avec Cornelia déguisé en homme (soit jupons froufroutants et fine moustache) – le principe est simple il suffit d’intervertir. Nos deux héros vont se retrouver poursuivis par Hatchet, une pasteure chasseuse de prime, et Mumu, féroce bandite de l’ouest affublée d’une étrange maladie la transformant peu à peu en homme, à son plus grand dam. Dans ce périple fait d’action et bien sûr de romance, reprenant tous les codes du genre, ils rencontreront Camille qui détient le secret magique pour changer de sexe mais Hatchet en paiera le prix fort, faisant de l’ombre à toute la production TTBM que l’on pourrait imaginer…

On le retrouvera (ou « la » retrouvera, peu importe) donc dans le deuxième tome de cette intégrale comme faisant partie d’un cirque itinérant tenu par La Baronne, sorte de Baron Samedi au féminin. Affublé d’un sexe monstrueux, Hatchet est le clou du spectacle de cette troupe qui, comme dans toute tradition de freakshow, de Tod Browning à American Horror Story, cache un secret bien plus glauque que nos deux héros vont devoir mettre à jour.
Un homme déconsidéré

 

Comme déjà évoqué plus haut, l’histoire puise dans une multitude de références cinématographiques et culturelles qui va de l’age d’or du western hollywoodien des années 30-50 jusqu’à la surabondante production de westerns spaghetti des années 60-70. Mais on peut aussi penser à Une Nuit en Enfer connu justement pour opérer une coupure de genre au milieu du film. Car c’est bien de genre qu’il s’agit, et pas seulement d’identité sexuelle, mais de faire des passerelles en se jouant des codes souvent figés et en brouillant les pistes. Mondo reverso peut se ranger dans une multitude de catégories : action, humour, western, comédie romantique, fantastique, etc. C’est surtout en cela que l’album est intéressant, se jouant des codes avec pas mal de talent et mêlant des particularités qui habituellement ne se retrouvent pas ensemble. Dans un monde par trop figé, Mondo Reverso permet ainsi de sortir son épingle du jeu et continue de surprendre le lecteur en le faisant basculer continuellement.


Freak Show

 

Pour ce qui est du basculement de genre sexuel, c’est un peu moins réussi. Ou plutôt cela fonctionne comme par exemple dans le choix de féminiser le langage mais la répétition du procédé devient à la longue lassant. D’autant qu’en choisissant de placer l’histoire dans un western, on va forcément en utiliser les codes. Des codes qui deviennent des clichés, et un cliché même inversé reste un cliché. Cela minimise le propos féministe qui veut être mis en avant. Les hommes à barbe qui se comportent comme des gourgandines écervelées ayant besoin de protection car incapables de se débrouiller seuls, ou considérés comme de simples objets sexuels n’aide pas à mieux considérer les femmes. L’inversion peut sans doute apporter matière à réflexion pour mieux comprendre le ridicule d’une situation mais cela voudrait dire que les comportements des femmes ou des hommes seraient ridicules ? Pour un sujet aussi complexe et d’actualité que la question du genre, se contenter de détourner les poncifs est sans doute un peu paresseux et n’apporte pas grand-chose de plus au débat.

Il n’empêche que l’exercice est très bien réalisé, d’autant qu’il est servi par un dessin sépia d’excellente qualité. On oscille entre la beauté des paysages désertiques avec des scènes grandioses qui nous transportent en un instant dans les grandes plaines de l’Ouest et des scènes plus intimes qui nous rapprochent d’avantage des personnages. Avec un sens de la narration et du rythme, on est vite pris par la qualité de l’ouvrage, le sens du détail et l’attention apporté à l’ensemble des protagonistes, même secondaires, et ce, sur les deux tomes de cette intégrale.

En fait, c’est plutôt un bon western mais mettre des robes aux hommes et rendre les femmes aussi bourrin que des hommes n’apporte rien de plus à la cause…