9/10Sweet Paprika

/ Critique - écrit par Maixent, le 10/03/2023
Notre verdict : 9/10 - Love is all (Fiche technique)

Tags : andolfo paprika mirka comics tome sweet her

Une excellent comédie romantique moderne

Choisir de s’inscrire dans un genre en particulier peut sembler hasardeux, d’autant lorsqu’il s’agit de proposer une comédie romantique. Le genre est extrêmement codifié, jouant sur des règles immuables qui nous ont été ressassées à travers moult films et autres œuvres et il serait aisé de tomber dans la facilité en proposant une énième resucée de Sex and The City sans saveur. Mais là où s’inscrire dans un genre est risqué si l’on manque d’originalité, cela permet également d’offrir au lecteur un parcours confortable. C’est donc tout un travail de jongle qui est nécessaire pour insuffler assez d’originalité dans un carcan rigide tout en gardant une trame convenue et que les codes ne deviennent pas des clichés. Une gageure parfaitement remplie par Sweet Paprika qui allie qualité graphique et narration prenante tout du long de l’album. Qui mieux que Mirka Andolfo pouvait réussir un tel pari, cette jeune napolitaine qui change de style avec une facilité déconcertante, naviguant entre l’écurie DC et Marvel et des œuvres plus personnelles comme le thriller horrifique Mercy ou l’univers dystopique et anthropomorphe de Contre Nature.


L'influence du père

 

Présenté comme un mix entre Le Journal de Bridget Jones et Le Diable s’habille en Prada, l’album suit les aventures de Paprika qui n’est pas « sweet » du tout. Directrice de la création au sein d’une grande maison d’édition, elle est devenue une référence dans le milieu depuis le succès éditorial de « Spice it Up !» qui va d’ailleurs avoir droit à une adaptation au cinéma, ce qui est l’ossature du récit mais surtout un prétexte. La trame est assez simple mais ce sont surtout les protagonistes, le développement de leur caractère et leurs relations qui sont importants. Ainsi nous est présentée une vaste galerie de personnages ayant chacun un rôle défini comme dans toute bonne comédie romantique, ce qui n’empêche pas une réelle profondeur et une complexité des caractères.
Rencontrer le beau ténébreux

 

Paprika est pour le monde de l’édition ce qu’est Miranda Priestly dans le monde de la mode. Un personnage glacial, limite inhumain, craint par l’ensemble de ses collaborateurs qu’elle considère plus comme des esclaves à son service. Ce sale caractère ne l’aide pas vraiment à avoir une vie sociale épanouie et sa vie privée n’est qu’un néant de solitude, surtout depuis sa rupture avec Burnet, la star prétentieuse et auteur de « Spice it Up » incarnant parfaitement le connard de mâle blanc dominant et manipulateur qui considère que le monde lui appartient. Traumatisée par un père trop stricte qui se révélera plus dévergondé qu’annoncé, Paprika se perd dans des voluptés de fantasmes inassouvis qu’elle réprimande elle même durement, honteuse de ces déviantes pensées. Décidée à changer et à se rapprocher des autres humains, en particulier du séduisant Za’atar, le producteur délégué sur le projet de film qui apparaît comme son égal, elle entreprend une initiative foireuse propre au genre de la comédie romantique : se taper le livreur un peu bêta qui va la dérider sexuellement pour qu’elle soir prête à satisfaire sa "target".


L'ex qui débarque sans prévenir

 

On se doute, tout cela est voué à l’échec et il est tentant de dévoiler ici les mille petites ficelles et détails qu font que les personnages perdent leur masque et qu’il y a des dizaines de chemins de traverse au récit d’origine sans pour autant que le lecteur se perde. Sans trop en dévoiler, on se doute que le contrat passé entre Paprika et Dill le livreur beau gosse qui s’est déjà tapé toute les autres filles de l’immeuble va dériver vers autre chose. On se doute aussi que comme dans toute bonne comédie romantique, ça ne va pas se passer comme sur des roulettes et que nos héros vont se perdre pour mieux se retrouver, englués dans leurs névroses pour Paprika et un « papounet » trop présent pour Dill. Ce sont donc 300 pages de rebondissements de New York à l’Italie et des personnages auxquels on s’attache avec des révélations, des erreurs d’aiguillage et de vrais moments de complicité. Tout cela pour dire que l’on ne s’y ennuie pas un seul instant tant l’histoire est riche et sincère avec aussi un réel érotisme qui se dégage de l’ensemble. Mais un érotisme qui n’est pas gratuit et sert complètement l’histoire.


Le "pingouin"part chercher sa belle

 

Car c’est surtout d’Amour qu’il est question, ce qui se manifeste simplement et efficacement dans le dessin par des inserts de rose tout du long de l’album en noir et blanc. Tout ce qui est lié au sentiment amoureux, que ce soit le sexe ou les mots, est parcouru de petits cœurs roses qui, loin de donner un côté gnangnan, rehaussent l’idée et habillent parfaitement le dessin en focalisant le lecteur sur ce qui finalement, est le plus important dans la vie. Ainsi, tous ces anges et démons qui d’ailleurs ne correspondent pas aux standards traversent l’existence sous le signe de l’Amour.

Il y aurait tant de choses à dire sur Sweet Paprika et la multitude de personnages attachants, les réflexions très justes de chacun et les critiques larvées sur notre société et ses injonctions au bonheur et à la réussite. En filigrane s’ouvrent les prisons dans lesquelles on s’enferme soit même mais le mieux reste de dévorer cet excellent album aussi surprenant dans le fond que dans la forme.