7.5/10Maldoror et Moi

/ Critique - écrit par Maixent, le 14/04/2022
Notre verdict : 7.5/10 - Nous et Maldoror (Fiche technique)

Tags : maldoror lautreamont chants comte citation citations jeux

Nihiliste, surréaliste et profondément misanthrope

L’histoire de Martin, jeune adolescent de 17 ans qui découvre au gré de son ennui les Chants de Maldoror du comte de Lautréamont. Adolescent rebelle aspirant à trouver sa véritable identité, admirateur d’obscures groupes de musique tels que Bauhaus ou les Cramps, c’est en plongeant dans les profondeurs imaginaires de cette œuvre qu’il cueille le fruit amer de la morbidité. Comme pour parer à son morne quotidien, le personnage de Maldoror vient s’immiscer progressivement dans son esprit et sa réalité, sondant par-là même la noirceur qui habite chacun d’entre nous. C’est d’une souffrance partagée et d’un goût pour le macabre qu’ils deviennent l’un pour l’autre indispensables, Martin devenant disciple d’un fantôme planant toujours au-dessus de nos têtes à tous : la folie humaine.


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Sombre et mystérieuse est l’aura d’Isidor Ducasse, dont la vie et l’œuvre furent sacralisés à la fin du XIXe et tout au long du XXe siècle. Peu de choses en effet nous sont parvenues de sa vie, et si Jean-Jacques Lefrère s’est attelé à démêler le vrai du faux « Lautréamonde » dans ses recherches biographiques de 1971 et 2008, l’homme, jusqu’à son visage, reste inaccessible. De même que Martin, clin d’œil avisé de l’auteur, Isidor nait d’un père érudit et d’une mère décédée après sa naissance. Mort à 24 ans en 1870 dans l’indifférence générale, un an après la première édition des six chants de Maldoror, publié à compte d’auteur et anonymement, c’est en 1917 qu’il fût redécouvert par Phillipe Soupault puis André Breton notamment, père du surréalisme, Louis Aragon ou André Malraux, considérants à raison Isidor Ducasse comme précurseur du mouvement. Figure quasi-mystique ne s’inscrivant dans aucune époque, et certainement pas la sienne, les Chants de Maldoror n’ont depuis cessés de titiller l’Art et l’imaginaire ; la monstruosité comme seule réponse aux bien-pensants. 
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Tout comme Martin dans cette histoire, compositeur et guitariste du groupe « Skeleton » qu’il forme avec ses amis, qualifié de « punk-rock de merde », la subversivité de Lautréamont crée l’inspiration de nombreux artistes tels qu’Hubert-Felix Thiéfaine, Gainsbourg ou Dooz Kawa, rappeur actuel. Figure poétique qui peut réconcilier tous les détracteurs du genre, dans sa chanson Si les anges n’ont pas de sexe « Si Satan n'était qu'un ange et ben Dieu n'est qu'une hypothèse. J'veux les chants de Maldoror comme seule oraison funèbre. Quand l'horizon sera funeste ».


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Avec ses lignes élégantes teintées de noir contrastants avec la brutalité riche et rougeâtre de l’irréel et la cruauté dans lesquels se perd Martin, Laurent Richard nous offre un visuel détonnant, figurant le décorum de Lovecraft et ses féroces créatures sous-marines, jusqu’aux animaux enragés rappelant Le Chat noir de Poe. On trouvera dans cet ouvrage un bel hommage à l’œuvre originale, poussant le détail au collage littéraire dont Lautréamont fut précurseur, et dont l’œuvre allie la versatilité inerrante de l’adolescence à l’émancipation du Père Créateur. Les parallèles sont nombreux entre ces deux ensembles, la transgression de l’adolescence s’emboitant parfaitement dans la révolte et le refus de l’ordre établi promulgué par Lautréamont dans ses ouvrages poétiques.

Maldoror et Moi nous propose une réécriture intelligente et moderne de la descente aux enfers, du passage au noir, d’un personnage noyé dans la haine, sauvé par la Mer(e).

« Allez-y voir vous-même si vous n’voulez pas m’croire » Chant VI.
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