10/101629 … ou l'effroyable histoire des naufragés du Jakarta

/ Critique - écrit par plienard, le 29/11/2022
Notre verdict : 10/10 - La croisière s'amuse ??

La BD à ne pas rater !

Bon, ne cherchez plus le cadeau idéal pour cette fin d'année, il vient tout bonnement de sortir aux éditions Glénat !

Si le prix est conséquent pour une bande dessinée (35 euros !)  et que ce n'est que la première partie d'un diptyque, ce sont les seules critiques qu’on peut faire. En effet, les auteurs et l'éditeur ont mis les petits plats dans les grands pour nous emmener aux confins de l'âme humaine, au travers d'un récit véridique et historique, d'une tension incroyable qui monte à chaque étape du récit.

La compagnie des Indes Orientales affrète un tout nouveau bateau avec le pire équipage qui soit. En recrutant les plus miséreux et les bas-fonds d'Amsterdam , en appâtant les officiers avec des primes sur le temps du trajet, en emmenant une cargaison d'or et de diamants, en accueillant une femme sommée par son mari de le rejoindre en Indonésie, en secondant le capitaine d'un psychopathe cynique, vous comprendrez qu'il ne faudra pas une grosse étincelle pour enflammer tout cela et pour que le voyage se termine en la pire tragédie de la navigation hollandaise.


© Glénat 2022.

 

Et c'est encore une réelle réussite de la part de Xavier Dorison qui, il faut bien le constater, les enchaîne avec une insolente désinvolture : Sanctuaire, Le Troisième Testament, Long John Silver, Undertaker, Le château des animaux, Goldorak, .. La liste est longue, hétéroclite, mais on y retrouve une certaine aisance à emmener le lecteur dans des univers clos et anxiogènes où ses personnages plongent en enfer. Il faut rajouter ici des personnages extrêmement bien maitrisés, plongés dans un contexte qu'ils rendent eux-même difficile par leur choix. Après plusieurs échecs, le subrécargue Francisco Delsaert ne peut refuser de diriger le fleuron de la compagnie des Indes Orientales qui va pousser le cynisme de lui affubler le skipper Jakob qu'il considère comme un être "ivrogne et stupide". Ce qui n'est pas totalement faux. Alors que l'intéressé se définit plutôt comme "nettement plus violent que stupide". Et afin de le seconder, c'est l'apothicaire Jéronimus Cornélius qui est choisi. Cultivé mais ruiné, Jéronimus y voit l'occasion de se refaire une nouvelle vie, mais à l'encontre des intérêts de ses commanditaires. Au milieu de cet équipage explosif (et on ne vous a même pas parlé des matelots), Lucretia Hans, aristocrate hollandaise, va faire figure de détonateur.

Pour nous raconter ce thriller maritime, Xavier Dorison retrouve son comparse sur Julius, le spin-off du Troisième testament, Thimothée Montaigne. Il aura fallu deux ans pour le dessinateur pour présenter son fabuleux travail. À la lecture de l'album, on y voit clairement l'influence de ces mentors, Alex Alice et surtout Mathieu Lauffray, et on peut véritablement affirmer qu'il est désormais bien leur égal. Des illustrations magnifiques, un découpage intelligent, avec des respirations dans le récit qui permettent au lecteur de ne pas s'étouffer face à la cruauté et à la montée de la tragédie qui se prépare.

Une première partie fantastique, qui attend son dénouement dans un second opus qu'on annonce encore pire dans son déroulement. Et cela alors que les auteurs ont cherché à adoucir l'histoire, car "la réalité des événements est d'une telle cruauté qu'elle aurait été quasiment impossible à mettre en images sans révulser les lecteurs ". Vous aurez été prévenu !

 


La couverture de l'album - © Glénat 2022.