L'autre terre - Tome 1 - Elijah
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 22/04/2008 (Pour cette première collaboration, Beno et Perrotin laissent espérer une excellente série. Sauront-ils ne pas décevoir ?
Alors qu'elle touche presque à son but, l'expédition chargée de visiter l'exoplanète Glease 472 touche en fait à sa tragique fin. En effet, le vaisseau transportant les aventuriers cryogénisés pour la circonstance, explose pour de mystérieuses raisons, en accrochant l'orbite de la planète cible. Elijah Parker, qui a quand même pas mal de bol, se réveille de son profond sommeil artificiel et réussit à quitter le navire avant que l'inévitable ne se produise. Mais il n'est pas seul, Selma Lundkvist a elle aussi réussi à échapper au pire, et s'enfuit, comme Elijah, à bord d'une capsule de survie. Alors que la capsule de la demoiselle tombe dans l'océan, à deux longueurs de piscine d'une île déserte gorgée de fruits frais et d'animaux sympathiques, celle d'Elijah tombe dans un désert aride. Quand au bout de trois jours, il trouve enfin une oasis, il se fait piquer ses fringues pendant sa toilette, se fait assommer en tentant de les récupérer et plus tard, après avoir trouvé un gars à qui il peut enfin demander son chemin, il tombe dans une manifestation d'activistes dissidents belliqueux et se fait embarquer par des forces de polices portées sur la matraque. Il y a des jours où on aurait mieux fait de rester gelé !
Première réalisation graphique de Beno, cette aventure nous emporte dans un
Même si je le demande gentiment ? univers à la croisée de Myst et d'Oliver Twist, que les vrais experts baptisent Steam punk, sans que cela n'évoque quoi que ce soit pour la plupart d'entre nous, et qu'on préférera qualifier de manga franco-belge. Grand amoureux de Crisse, qui préface d'ailleurs l'album, on pourra, vérification faite, constater la similitude existant dans le coup de crayon, et s'étonner que toutes les femmes qui traversent l'album taillent invariablement un petit 38 bien serré, avec un opulent 110 D, sans que cela ne les empêche de courir un 100 mètres avec un gros flingue entre leurs ongles longs et vernis, sans jamais se décoiffer. Pareillement, tous les hommes ont une mâchoire taillée à la serpette, une condition physique à faire pâlir d'envie des armées de gymnastes professionnels, ils marchent pieds nus sur les cailloux et n'ont jamais les dents sales. Malgré tout, et pour rendre justice à Beno, le tout se fait dans une unité de ton qui esquive la vulgarité. De plus, le travail sur les décors et les perspectives arrive à créer autour des personnages un cocon si bien adapté qu'il en devient un excellent substitut à la réalité.
Le scénario de Serge Perrotin, quant à lui, constitue le véritable intérêt de la BD. Pourtant, et bizarrement, tout ce qui est présenté ici, c'est du déjà vu. Que ce soit dans un film ou dans un classique de la littérature, presque tous les bouts de ce patchwork scénaristique nous sont familiers. La planète des singes, Fahrenheit 451, Les trois mousquetaires, The Matrix, eXistenZ ou Bigard à l'Olympia... et d'autres références qu'on a, et aura toujours, sur le bout de la langue.
Mais... j'arrive de suite !Faisant ainsi la démonstration que l'on peut pomper allégrement des éléments chez les autres sans en faire obligatoirement un plagiat éhonté qui sent bon la chaussette, Perrotin agence toute une charpente avec ces morceaux choisis, laisse Beno en faire l'habillage extérieur, et aménage les pièces pour en faire sa maison à lui, avec une salle de bain au milieu de la cuisine.
Ainsi, déroulant petit à petit une histoire certes plaisante et bien tenue, mais qui semble s'orienter vers du fastoche et du « vous direz pas qu'on vous a pas prévenu ! », le twist des deux dernières pages perd le lecteur dans une affaire qui a l'air bien plus tarabiscotée que ce à quoi on s'attendait et à quoi on semblait nous avoir préparé. Et le plus fort, c'est que comme pour certaines séries à succès, on s'essaie alors à des suppositions sur le pourquoi du « hein ? » ; on cherche à expliquer ce qui vient de se passer et la curiosité naît de voir comment les auteurs vont bien pouvoir expliquer ça. Car vu d'ici, ça sent bon son complexe philosophico-métaphysique des familles.
Mais le souci avec ce genre de construction, c'est que soit les auteurs sont très brillants et ils couchent tout le monde à la troisième reprise, soit ils ont juste eu le coup de chance de l'inspiration géniale et fugace qu'ils ne savent pas exploiter. Dans la seconde hypothèse, ils rejoindront alors le panthéon des tâcherons les plus conspués de l'histoire de l'écriture, sous les lazzis d'enfants sans pères, qui se vengent de la vie sur de plus tristes qu'eux.