Alice au Pays du Chaos
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 01/01/2009 (Tags : alice pays man chaos avis tabou livres
De l'autre côté du miroir se trouve un monde sordide où le sexe est monnaie d'échange. Imprégné de culture contemporaine, ce conte pornographique où les lapins blancs sont des mutants ou des zombies ne laisse pas indifférent et brille par son originalité.
Les variations sur Alice au Pays des Merveilles sont légions. Que ce soit du point de vue érotique, mais aussi philosophique ou psychanalytique. Ici, peu de comparaisons avec la petite fille blonde vêtue d’une petite robe bleue popularisée par Walt Disney. Les héroïnes n’ont que deux points communs, leur prénom et se retrouver dans un monde étranger dont elles ne possèdent pas les codes et où tout peut basculer d’un instant à l’autre.
Clones warMême si Man, l’auteur, n’est pas un ancien de la bande dessinée érotique, on ne peut pas dire pour autant qu’il s’agisse d’un coup d’essai. Ayant publié plusieurs albums érotiques ou non, il livre ici un récit maîtrisé de bout en bout, réussissant à mêler science-fiction, critique de la société et sexe sans pour autant sombrer dans la violence du manga où tentacules mutantes pénètrent de jeunes collégiennes, mais sans non plus essayer de censurer quoi que ce soit de ce monde en perdition, dominé par des zombies assoiffés de sexe et de sang. Naviguant entre deux eaux, il reste à la limite du mauvais goût sans jamais s'y rallier vraiment, exercice périlleux qu'il réussit malgré tout.
Alice se réveille en compagnie d’une femme aux allures maternelles et d’une gamine
Saw Sexy muette. On ne sait pas comment elle est arrivée là, ni qui sont ces personnages qui l’entourent. Ainsi, dès les premières pages, on sombre dans l’inconnu. Puis "la mère" est violée par un homme diabolique aux yeux rouges avant d’être massacrée. Le ton est donné, les deux jeunes filles, livrées à elle-même se retrouvent lâchées dans une ville apocalyptique peuplée de zombies et autres aberrations génétiques. Dans un mélange de Druuna, Saw, ou des films de Romero, en passant par la Guerre des clones, l’auteur nous propulse dans un monde dominé par le sexe et la barbarie où seule compte la survie. Le récit, bourré de références, sans sombrer dans la parodie, conviendra plutôt aux trentenaires nourris par le cinéma qu’aux adeptes de Pierre LouyÏs mais remplit sa mission.
Alice sous tous les anglesServi par un dessin de qualité à la ligne charnelle, qui n’hésite pas à jouer des points de vue originaux empruntés aussi bien aux hentaïs qu’à la bande dessinée européenne ou aux comics, Alice au pays du chaos parvient à mélanger les genres et les références sans pour autant que cela paraisse trop lourd ou emprunté. Et même si le récit ressemble parfois un peu trop aux films X de mauvaise qualité avec sexes disproportionnés et certains plans inutiles, l’ensemble n’est pas gratuit est constitue une véritable histoire, prenante et excitante. Un petit bémol également pour la partie mystique qui fait dévier le récit vers du Stephen King fatigué avec l’apparition d’anges et de démons dont on aurait pu se passer.
Réservée évidemment à un public averti, cette bande dessinée érotique reste très soignée et conserve son originalité jusqu’au dénouement, tout en étant imprégnée de culture populaire. Man a su se servir de ce qu’il voit, non pas pour créer une parodie, mais pour aller dans le sens d’une œuvre originale de qualité.