8/10Poochytown, voyage chez Woodring

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 09/07/2020
Notre verdict : 8/10 - Au pays des merveilles (Fiche technique)

Tags : frank jim woodring poochytown association comics expeditive

Que se passerait-il si les personnages de Looney Tunes se retrouvaient dans un univers psychédélique, cruel et sans limite ? Un début de réponse avec Poochytown, le dernier né de Jim Woodring.

Des courbes ondulées qui partent dans tous les sens, un niveau de détail à faire frémir les amateurs de dessin et des cases muettes qui en disent pourtant beaucoup. C'est l'univers très particulier de Jim Woodring, un auteur culte pour bon nombre de connaisseurs dans le monde de la bande dessiné, mais qui reste relativement peu connu du grand public. Et pour cause, ce style graphique si particulier peut parfois rebuter. Quelque part entre la simplicité enfantine, la folie psychédélique et l'orgie visuelle, les oeuvres de Woodring sont difficiles à classer.

Mais Poochytown, qu'est-ce que c'est ? Alors… Pour commencer, le personnage principal s'appelle Franck, une sorte de rongeur était déjà apparu dans d'autres histoires de l'auteur. Et cette fois, alors qu'il se promène avec ses amis, un coeur et un grille-pain, il tombe sur un drôle d'instrument qui rejette des formes étranges dans le ciel, lesquelles mènent à un autre monde enchanteur et mystérieux. En gros.

A ce stade vous êtes peut-être un peu perdu et nous pourrions parler de la suite des événements qui impliquent un homme-porc, une licorne mangeuse d'hommes, une expérience transcendantale et autres joyeusetés.

Poochytown, voyage chez Woodring
DR.

Le tout sans un mot, l'aventure est entièrement muette mais le niveau de détail proposé est tel que la "lecture" de la centaine de pages de l'ouvrage peut être longue pour le lecteur attentif.

Le scénario si difficile à décrire en quelques lignes est pourtant étonnamment fluide lorsqu'on est plongé dedans. Les événements s'enchaînent à toute vitesse, et on a à peine le temps d'être surpris face à un rebondissement qu'une autre étrangeté surgit devant nous sans crier gare. Le tout donne parfois l'impression d'avoir été improvisé au fur et à mesure avec des épisodes qui se suivent parfois sans queue ni tête, des tournures qui n'ont aucun sens et une fin expéditive.

Une improvisation ou alors un rêve car ce côté frénétique de l'oeuvre n'est pas sans rappeler le rythme étrange que nous pouvons avoir lorsque nous rêvons et que nous passons d'une situation à une autre en un battement de cil.

Poochytown, voyage chez Woodring
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Quoi qu'il en soit, il n'est pas certain que trop analyser le pourquoi de Poochytown soit vraiment intéressant. Le plus important est d'admirer le dessin tout en courbes, où la moindre case contient un nombre impressionnant de détails et où malgré la multitude d'événements, de personnages et d'éléments, tout reste extrêmement lisible. Même les éléments les plus incongrus trouvent un sens dans cet univers où finalement tout est permis. Un univers dont à aucun moment on ne nous donne les clés de compréhension mais qui devient vite familier. Si la narration semble parfois improvisée, le dessin lui est mûrement soigné, l'auteur fait bien attention à maximiser au mieux la place dont il dispose, même dans les détails les plus anodins.

Au final on ressort de la lecture de Poochytown à la fois rincé et apaisé. Une sensation d'avoir parcouru énormément de chemin, d'avoir emmagasiné beaucoup d'informations, pour à la fin se dire que peu importe ce qui s'est passé devant nos yeux, c'était beau. Et on y retournerait bien.

Poochytown, voyage chez Woodring
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