6/10300 millions d'amis

/ Critique - écrit par riffhifi, le 26/10/2009
Notre verdict : 6/10 - Is it face ? (Fiche technique)

Tags : millions amis animaux fondation jannin frederic france

Jannin et Dal synthétisent Facebook en une quarantaine de pages. Idéal si vous n'avez pas d'ordinateur (mais alors, comment lisez-vous ceci ?!), un peu redondant pour ceux qui connaissent le vrai site, qui finalement n'est pas moins drôle que cette parodie.

Depuis le mois dernier, Facebook rassemble 300 millions de membres inscrits (plus de 12 millions de Français), et talonne Google pour le statut de site internet le plus visité du monde. A peine plus de deux ans après son ouverture au grand public, on peut dire qu'il s'agit d'un véritable phénomène de société, un raz-de-marée auquel il est difficile d'échapper, même lorsqu'on a la circonspection de ne pas y être soi-même inscrit. Autant dire que Jannin et Dal surfent sur l'air du temps avec 300 millions d'amis, album-concept destiné à stigmatiser avec humour les
comportements des utilisateurs de Facebook.

Dès les premières pages, le trait de Frédéric Jannin fait plaisir à voir : le scénariste-dessinateur de la série Que du bonheur, adepte d'un dessin "old school" griffonné mais précis, apporte son regard un peu distancié à un sujet qu'on aurait pu imaginer traité à coups de couleurs flashy et de dessin anguleux postmoderne. Du coup, l'album s'adresse à tous les publics, de ceux qui n'utilisent pas Facebook jusqu'à ceux qui se reconnaîtront dans l'une ou l'autre des catégories évoquées. L'inventaire des populations dressé par Gilles Dal est finement observé, et met le doigt avec justesse sur les divers travers des usagers, ainsi que sur les débordements du site en matière de fonctionnalité, de publicité... On retrouve ainsi les solitaires qui racontent leur vie en temps réel à un auditoire inexistant, les geeks analphabètes qui dissertent en langage SMS, les tricheurs qui se font passer pour ce qu'ils ne sont pas, etc. Les pages de bande dessinée sont entrecoupées de faux profils consacrés à une collection de célébrités vivantes ou mortes (Barack Obama, Sigmund Freud, Che Guevara, le Dalaï Lama), avec les groupes auxquels ils auraient adhéré, les messages qu'ils auraient reçus, etc.


L'esprit de dérision est sympathique, la politique est celle du gag pour le gag, et le tout ne prête pas à conséquence. Il ne prête pas non plus à l'hilarité extrême, et permet avant tout de souligner des comportements et des faits que les utilisateurs peuvent observer directement sur le site, au quotidien. En fait, la lecture de l'album n'est pas beaucoup plus drôle que de passer une heure sur le vrai Facebook, où les profils (réels) recèlent leur lot de pépites de bêtises et de témoignages de misère intellectuelle ou sociale. Le principal avantage de la bande dessinée, c'est qu'il est impossible de céder à la tentation de mettre un doigt dans l'engrenage, puisqu'il est impossible de cliquer dessus.

Marrant mais surtout opportuniste, voué à devenir ringard dès la fin de la vague Facebook, trahissant par endroits une flemme évidente (les mêmes icônes pour différents utilisateurs), l'album restera sans doute a posteriori un témoignage de cette mode. En attendant, il ressemble un peu à un des hors-séries de Fluide Glacial, si ce n'est qu'on n'y trouve la trace que de deux auteurs (habitués de Fluide, d'ailleurs) au lieu de trente. Et pas de femme à poil.