7.5/101968-2008... N'effacez pas nos traces !

/ Critique - écrit par riffhifi, le 20/04/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Soixante-huitardi (Fiche technique)

Tags : dominique tardi livres litterature tome traces effacez

Un CD et une BD. Ou plus exactement, un CD accompagné d'un livre d'illustrations signé Tardi. Une initiative originale pour fêter mai 68... Mais une révolution avortée, ça se fête ?

Mai 2008, c'est quarante ans après Mai 68. Alors forcément, on commémore, on nostalgise, comme si les soixante-huitards étaient d'anciens combattants et la lutte terminée depuis bien longtemps. On se dit, du fond d'un fauteuil et le regard aimanté par la télévision, que la révolution c'était cool et que ça ferait pas de mal de s'en refaire une petite. Sauf que les révoltés d'hier ont passé la soixantaine, et que les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas le goût de la révolte. Etrange célébration que celle qui voit se réveiller des sexagénaires endormis depuis quelques décennies, qui livrent d'un coup des oeuvrettes sincères et remuantes, comme le numéro spécial de Pilote actuellement en kiosques, ou ce disque-BD de Dominique Grange et Tardi, qui à défaut d'emballer les auditeurs réfractaires aux chants partisans, a du moins le mérite de secouer la mémoire collective.

Dominique Grange était sur les lieux en mai 68 : devant les usines en grève, au milieu des manifs, elle vadrouillait avec sa guitare pour entonner des airs partisans repris en chœur par ses camarades. Que reste-t-il aujourd'hui de chansons comme Grève illimitée ou La pègre ? A peu près autant que des premières chansons de Le temps des cerises
Le temps des cerises
Renaud, Hexagone ou Société tu m'auras pas : un parfum de révolte un peu ridicule, un reste de slogans de l'époque (« nous sommes tous des Juifs allemands »)... Mais à côté coexistent d'autres titres comme La commune est en lutte ou Droit d'asile, qui évoquent le passé ou le présent et complètent l'aspect souvenir de l'album par une actualisation du propos. Musicalement, on ne peut pas dire qu'il y ait de quoi se pâmer ; c'est surtout l'esprit qui compte, la ferveur avec laquelle le tout est chanté. Et le dernier morceau, N'effacez pas nos traces, est une réponse pleine d'émotion au discours de Sarkozy qui appelait à « tourner la page de Mai 68 ».

En complément de l'album, Tardi dessine. Et alors, attention, il ne dessine pas des petits Mickey du bout du crayon sur un coin de nappe. Il livre sans doute son meilleur travail depuis bien longtemps, une série de dessins d'une puissance d'évocation saisissante, qui donne d'un coup aux chansons un réel relief. Si on peut oublier ses illustrations pour Petite fille du silence, qui ne l'a manifestement pas inspiré, il faut voir sa représentation unique du Temps des cerises ou ses petites poupées grisâtres s'éventrer sur la chanson Le sang pour comprendre le talent de cet homme. Rien que pour ces quatre pages-là, à la limite, l'ensemble vaut la peine d'être acheté. Même si la question de la commémoration reste entière : faut-il tourner la page, fêter la révolution d'hier ou faire celle d'aujourd'hui ?...


1. Grève illimitée
2. Chacun de vous est concerné
3. Pierrot est tombé
4. La commune est en lutte
5. Le sang
6. Entre océan et cordillère
7. Petite fille du silence
8. Les rivières souterraines
9. Paris, ce printemps-là...
10. Toujours rebelles, toujours debout !
11. Le temps des cerises
12. Droit d'asile
13. La pègre
14. Les nouveaux partisans
15. N'effacez pas nos traces !