7.5/10Vitesse moderne

/ Critique - écrit par riffhifi, le 05/11/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Grande allure (Fiche technique)

Tags : vitesse moderne eur evaluation blutch livraison vie

Surréalisme, danse classique, romance et relation filiale sont les artères de cet album halluciné par Blutch un soir d'hypnose. Elégant et déroutant.

Découvert par Fluide Glacial au début des années 90, Blutch est devenu un auteur aussi incontournable que polymorphe : rien que cette année, il publie La beauté chez Futuropolis, le deuxième tome de son Petit Christian autobiographique chez l'Association (dix ans après le premier !) et ce Vitesse moderne chez Aire Libre, réédition d'un album de 2002 pour continuer de fêter les vingt ans de la prestigieuse collection. Au programme : voyage nonchalant au cœur de l'inconscient à l'aide d'une narration à la logique onirique...


Lola sort de son cours de danse. Elle est accostée par Renée, qui désire écrire un livre sur sa vie. Lola croise également son père, qu'elle a du mal à reconnaître, et Rudy le violoncelliste, qui voue à la jeune femme un amour impossible. La journée sera longue pour Lola, qui naviguera d'une péripétie à l'autre en s'enfonçant progressivement dans l'absurdité la plus complète.

Si le style visuel de Blutch se reconnaît sans peine, avec son goût pour les caricatures de célébrité (featuring Omar Sharif, mesdames et messieurs, car la bd c'est son dada), on cherche à quelle influence rattacher la logique de rêve que suit le récit de cette Vitesse moderne... Il y a évidemment quelque chose d'anglo-saxon dans ce perpétuel coq-à-l'âne non-sensique, et rien n'interdit de penser au Luis Buñuel de L'âge d'or ou du Charme discret de la bourgeoisie, voire au David Lynch de Lost highway ou Mulholland drive, mais quitte à rester au cinéma, on préfère trouver ici une parenté avec le Bertrand Blier de Buffet froid (1979). Avec sa fantaisie froide couplée à la menace latente que constituent des personnages a priori inoffensifs,
l'histoire de Lola se rapproche aisément des tribulations de Gérard Depardieu et Jean Carmet dans le polar surréaliste de Blier. Invitant à la fête les paroles de Gainsbourg, Aznavour et Moustaki, Blutch feint de donner un début et une fin à une narration qui n'a entre les deux ni queue ni tête : les personnages naviguent entre les décors à l'aide de portes magiques qui les mènent d'un lieu à l'autre sans lien logique, le père de Lola est partout mais elle ne le reconnaît jamais...

En guise de bonus, l'édition spéciale de l'album propose une histoire supplémentaire de douze pages en noir et blanc, qui montrent que Lola pourrait finalement être n'importe qui n'importe où, au gré des divagations excentriques de son auteur. A y bien regarder, cet opus de Blutch pourrait bien être le pendant poétique des planches burlesques mais tout aussi surréalistes d'Edika. En tout cas, Vitesse moderne sera d'une grande utilité aux insomniaques, en remplaçant avantageusement les rêves déroutants qu'ils ne feront pas...