8.5/10Vers le démon

/ Critique - écrit par iscarioth, le 12/03/2006
Notre verdict : 8.5/10 - En route pour nulle part (Fiche technique)

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En seulement une cinquantaine de pages, Christian de Metter arrive à concerner les lecteurs et à les faire s'émouvoir du sort de quelques paumés. Peu d'auteurs peuvent se targuer d'y parvenir.

Vers le démon, c'est l'histoire de trois personnages se rencontrant par hasard et choisissant de fuir leurs problèmes par la route.
- Vous allez où ?
- Nulle part.
- Je viens avec vous. C'est là que je vais moi aussi.

Il s'agit de Jack, un quinquagénaire tourmenté par son passé, de Sarah, une jeune femme au caractère bien trempé qui fuit son petit ami violent et de Niels, un adolescent romantique ne supportant plus son beau-père.

33140_250.Si Vers le démon plait, c'est en grande partie parce qu'il manie très bien les codes du genre auquel il appartient : le road book, le livre de route. Des âmes tourmentées décidant de prendre la route et de mettre un maximum de distance entre eux et leurs problèmes, ce n'est pas simplement un début de scénario commun à un bon nombre d'oeuvre, c'est tout simplement un genre cinématographique et littéraire, un genre qui provoque l'introspection, le dialogue thérapeutique et qui suscite, coté lecteur, une profonde empathie pour les personnages. Christian de Metter maîtrise très bien son sujet. Il investit le genre jusqu'à ses racines, sans pour autant nous donner à lire quelque chose de prévisible et de classique. Sa bande dessinée est un hommage à l'oeuvre de Hubert Selby junior, romancier américain qu'il salue en faisant des références directes à l'une de ses oeuvres, Le démon. Et l'on peut dire, sans trop s'avancer dans les louanges, que Christian de Metter n'a pas à rougir de la comparaison avec ce génie de la littérature états-unienne.

Vers le démon investit ce qui fait la qualité des bons récits de route : la froideur des routes embrumés, les petits troquets lugubres, les chambres d'hôtel silencieuses, les petites routes de campagne dorées... On connaît Christian de Metter pour ses réalisations graphiques très impressionnantes : Emma, Dusk, Le curé. Comme pour ses oeuvres précédentes, c'est la peinture qui prédomine ici. Crayonné et couleur directe, la technique est très efficace pour transmettre les ambiances et l'expressivité des visages, deux éléments qui font la force de ce road book. Evidemment, cette allure très embrumée et esquissée ne sera pas du goût de tous les lecteurs. C'est pourtant le genre de travail qu'il faut féliciter, à un moment où encore beaucoup de dessinateurs se complaisent dans un style sans autre ambition que de représenter.


En seulement une cinquantaine de pages, Christian de Metter arrive à concerner les lecteurs et à les faire s'émouvoir du sort de quelques paumés. Peu d'auteurs peuvent se targuer d'y parvenir.