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9/10La Vénus à la fourrure

/ Critique - écrit par Maixent, le 01/06/2013
Notre verdict : 9/10 - Psychanalyse du fouet (Fiche technique)

Tags : venus fourrure france roman masoch sacher livre

La Vénus à la fourrure est considérée comme Le roman du masochisme. Paru en 1870, il est le premier à parler ouvertement d’une relation de soumission telle qu’on la conçoit dans les codes BDSM actuels, ouvrant la manne d’un courant toujours très actif à ce jour. Il est notamment celui qui a mis en place les bases du fameux contrat entre un soumis et son dominant, bien que les termes en soient extrêmement durs, bien loin du jeu entre adultes consentants, se concluant par : « Je m'oblige, sur ma parole d'honneur, à être l'esclave de Mme Wanda de Dunajew, tout à fait comme elle le demande, et à me soumettre sans résistance à tout ce qu'elle m'imposera ». Les bases de ce qui deviendra le masochisme, mot formé à partir du nom de l’auteur, Sacher-Masoch, comme pour le sadisme, de Sade sont posées.

Guido Crepax, spécialiste des adaptations en bande dessinée de
Madame
romans du même genre, de Sade à Casanova, s’attaque à l’illustration de cette fable psychanalytique dans les années 80. Décédé en 2003, il laisse derrière lui une œuvre riche ayant permis la redécouverte de classiques de la littérature érotique  et une héroïne inoubliable, Valentina.

Plus qu’une histoire de masochisme, la Vénus à la fourrure est une histoire d’amour. Texte majeur de la soumission érotique, il raconte celle librement consentie de Séverin von Kusiemski à sa femme Mme von Dunajew devenus dans l’intimité Grégor et Wanda. Mêlant habilement autobiographie, psychanalyse, onirisme, sensualité et combat politique pour l’égalité des sexes, il donne à voir le quotidien de ce couple face au désir, dans une construction mentale d’une relation hors norme.

Le trait fin et maîtrisé de Crepax permet de mettre en évidence la tendresse de la relation malgré les blessures infligées tant du point de vue psychologique que physique. De la même façon que Pichard est
Soumission
capable de faire passer les pires humiliations avec beaucoup de douceur, Crepax saisit des scènes d’une extrême crudité sans pourtant être choquant. Ce qui fait que le dessin ne prend pas le pas sur le traitement du texte, mais plutôt l’accompagne doucement, servant de point d’accroche, le complétant  plus que le vampirisant. Crepax met en avant toute cette tension des corps dans un dessin rappelant celui de Kokoschka, avec des silhouettes frêles mais dégageant une force immense se nourrissant de culpabilité mais aussi d’un esprit novateur en adéquation avec le siècle.

Le texte en lui-même a fait couler beaucoup d’encre tant parmi ses détracteurs que parmi ses fervents défenseurs. Il est à replacé dans son contexte fin XIXème qui voit la naissance de la psychanalyse, un engouement certain pour le spiritisme et d’une façon plus vaste, l’onirisme dont est empreint la Vénus à la Fourrure du début à la fin. On se situe toujours à la limite entre le fantasmé et le réel dans un mélange des corps et des genres sans fin. Reste cette tension des corps présente aussi dans les situations, la difficulté de vivre une sexualité hors norme.
Au bain
Plus qu’une histoire de sexe, la Vénus à la fourrure est une ode à l’égalité, l’auteur plaidant une égalité des droits entre l’homme et la femme qui se matérialiserait dans un épanouissement sexuel.

Alliant intelligence et modernité, la Vénus à la fourrure est une œuvre forte, baignée d’une douce mélancolie. Les situations scabreuses sont évoquées et mises en image mais sans gratuité, permettant de mieux comprendre les tourments des personnages, dépassés par leurs rôles, mettant à jour des sentiments inconnus car n’ayant pas de référence. Comme par exemple le fait que La Maîtresse ne contrôle pas tant que ça la situation ou que la tendresse soit nécessaire dans le couple. La complexité des sentiments est mise en avant, permettant au lecteur de se plonger dans différents niveaux de lecture et de ne pas se laisser happer par la seule beauté graphique.

Crepax a réussi à conserver la beauté analytique du texte sans aller dans la grivoiserie, le rendant même moins didactique et pamphlétaire tout en lui conférant une facilité de lecture pouvant séduire une plus grande partie de la population. Comme la plupart des albums de Crepax, il conserve les qualités intrinsèques de la bande dessinée sans spolier l’œuvre originale de sa substance.