5/10Les Tribulations du Choucas - Tome 2 - La brousse ou la vie

/ Critique - écrit par Maixent, le 21/06/2008
Notre verdict : 5/10 - Engagez-vous (Fiche technique)

Des faiblesses narratives et graphiques, mais somme toute une bd qui dénonce avec raison et talent. Un nouveau Choucas qui n'est pas dénué d'intérêt et duquel on ressort la conscience un peu plus à l'affût.

En ces temps-là où l’été a du mal à arriver tandis que les grèves fleurissent et les revendications sociales ne sont qu’une célébration d’une guerre bourgeoise âgée de 40 ans, il est grand temps de s’embarquer avec le Choucas et de partir pour l’Afrique. Pas si désert
Pas si désert

On l’avait déjà suivi au Népal dans le tome 1 (
Trekking payant) et malgré un style un peu vieillot rappelant un Belmondo du temps où il était acteur (c’était il y a longtemps), on avait embrassé ses aventures à bras le corps. On le retrouve maintenant en Afrique, et plus précisément au Mali. Détective mal embouché, un peu loser sur les bords, il se voit malgré tout confier la délicate mission de ramener au sein de sa famille adoptive française un jeune malien qui a décidé sans raison apparente de retrouver ses racines sans prévenir quiconque. Commence alors pour le Choucas une longue traversée du désert (au sens propre) à la recherche du jeune homme, accompagné de son ami de bistrot, Gabin.

Sous prétexte d’aventures, de tribulations comme il dit, Lax nous permet de voir le côté sombre de notre société dont la devise est, pour ceux qui l’ont oubliée, Liberté, Egalité, Fraternité. Dans le premier tome des tribulations, il s’attaquait philosophiquement à de grandes idées comme le cynisme libéral et l’autoritarisme aveugle. Ici, la cible eUn autre jour en France...
Un autre jour en France...
st plus clairement nommée, la Police Nationale Française, ses agissements violents et surtout le fameux « délit de sale gueule » dont on nous rabat les oreilles à raison et à longueur de journée. En effet, on découvre très vite que ce qui a fait fuir ce jeune homme ce n’est pas la drogue, l’appât du gain, d’avoir couché avec la femme d’un mari jaloux ou toute autre raison farfelue. Non, c’est le fait d’être systématiquement le coupable dans une société où règne un racisme latent quand il n’est pas ouvertement acclamé. Selon certaines sources plutôt rock, il y aurait « quelques fascisants, autour de 15% ». Etranger dans son pays, il se voit alors contraint de retourner en cet autre pays qui n’est plus le sien et où il emmerde tout le monde par ses discours anti-migration, se mettant à dos les réseaux de passeurs.

Le choucas en action
Le Choucas en action
La construction du récit et son absence de morale, sans pour autant perdre un attachement aux grands principes, est assez surprenant. Pendant une bonne partie de l’album, le Choucas ne fait rien. Il est baladé par les uns et les autres sans que l’on ait l’impression qu’il prenne une seule décision valable. Et pourtant, tel un caillou dans un siphon, il bloque tout, stoïque, imperturbable. Sans être un anti-héros, il n’est cependant pas un justicier et c’est sans doute ce qui le rend humain, d’être un tonton flingueur à la Lino Ventura. De ceux à qui on réfléchit à deux fois avant de demander l’heure mais qui se révèlent être beaucoup plus humains que ceux sensés nous protéger.

Alors même si le dessin est un peu passé de mode et que l’on a l’impression d’avoir acheté une bd d’occase sur une brocante ; même si le coup du privé mal rasé au fond du bistrot on connaît déjà ; même si on se perd un peu dans les personnages… Malgré tout, une bd qui dénonce, avec une certaine finesse, des problèmes graves dont on ne parle pas assez mérite notre attention. Et même si on a perdu la verve du Choucas d’origine qui évoluait dans un style très noir, vraiment proche du polar le plus sombre, cet ouvrage plus grand public arrive à conserver son entrain.