7/10Le Tour des géants

/ Critique - écrit par riffhifi, le 23/07/2009
Notre verdict : 7/10 - Le Tour, prends garde ! (Fiche technique)

Le tour de France 1910 reconstitué par le menu, avec son lot de souffrances et d'héroïsme. Une chronique édifiante, qui ne verse pas dans l'ode facile au "bon vieux temps".

Le Tour de France 2009 prendra fin dans trois jours. L'évènement existe depuis si longtemps que son origine se perd dans les profondeurs du passé ; aujourd'hui, on en parle avec un sourire en coin, évoquant avec cynisme les hectolitres de substances illicites dont les cyclistes sont farcis pour gagner la course à tout prix. Mais le but n'a-t-il pas toujours été la victoire, quel qu'en soit les conséquences ? Nicolas Debon, à l'écriture et aux pinceaux, a entrepris de retracer le Tour de l'année 1910, dont le déroulement épique lui a semblé digne d'intérêt.


Loin des caméras de télévision (hé les kids, le cinéma était encore muet à l'époque, et
Charlie Chaplin n'avait pas encore tourné un seul film !), soutenus essentiellement par le journal L'auto qui fait sa pub sur leur dos, les coureurs sont animés d'un feu sacré dont ils vont avoir sérieusement besoin pour tenir le choc tout au long du parcours. Parmi eux, deux personnalités sortent du lot : François Faber dit « le Géant de Colombes », vainqueur du Tour 1909, et Octave Lapize dit « Le Frisé », vainqueur par deux fois du Paris-Roubaix et considéré comme le concurrent le plus sérieux de Faber. Les deux hommes courent pour la même écurie, mais il ne fait pas de doute que chacun d'eux cherche la victoire à titre individuel, de même que la plupart des coureurs présents.

Découpée en chapitres correspondant aux étapes du Tour, la bande dessinée privilégie une approche assez factuelle, narrant les évènements à la façon d'un commentateur sportif ultra-pro, sans les embobiner de fioritures ni de remarques superflues. Les coulisses de l'évènement sont esquissées à plusieurs reprises, montrant les discussions des organisateurs ou l'état des coureurs à chaque étape. Petit à petit, on voit se dégrader l'état physique de ces derniers, épuisés par les efforts, les intempéries et les incidents de parcours. L'un d'entre eux déclare à son soigneur qu'ils sont, à vingt ou vingt-cinq ans, « des enfants dans des corps de vieillards ». Point de dopage au sens propre, mais toutes les astuces sont bonnes
pour résister, y compris les plus repoussantes (l'un d'entre eux se balade avec de la strychnine pour se donner un coup de fouet si nécessaire !). Et les coups en vache fleurissent aussi aisément que dans la course de chars de Ben-Hur...

A quarante ans, Nicolas Debon signe ici sa première bande dessinée, après avoir été spécialisé dans les vitraux (!) et l'illustration de la littérature jeunesse. Travaillant en couleur directe, il s'appuie essentiellement sur son expérience de dessinateur pour assumer son travail de conteur. Les dialogues sont rares (normal, les mecs à vélo ne vont pas se fatiguer à tailler le bout de gras pendant la course), la narration se fait donc surtout par les didascalies, accompagnant le mouvement puissant des coureurs lancés dans une direction commune : ils sont presque systématiquement représentés comme allant de la gauche vers la droite, créant ainsi une impression fichtrement dynamique. En insistant sur la rivalité entre Lapize et Faber, l'auteur parvient également à insuffler à l'album un réel suspense qui devrait convaincre les plus réfractaires à la consommation du Tour de France.