8.5/10Et toi, quand est-ce que tu t'y mets ? - Tome 1 - Celle qui ne voulait pas d'enfant

/ Critique - écrit par Maixent, le 24/04/2011
Notre verdict : 8.5/10 - S'y mettre ? Ahahaha soyons sérieux... Quelle drôle d'idée... (Fiche technique)

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Une critique juste de la société et une réflexion pertinente sur le droit de chacun de disposer de son corps et de choisir ses projets de vie, le tout traité avec humour et une fausse légèreté. Un vrai travail tout en finesse pour un sujet de société qui intéressera tous les trentenaires et les autres.

Malgré la révolution de 68, les droits de la femme, le progressisme ambiant concernant les idées quant à la place de l’humain dans la société et l’évolution du couple, demeure une réalité à la fois lourde et désuète, à savoir qu’il est surprenant, voire anormal, de ne pas avoir envie d’enfants passée la trentaine. Dans la vie quotidienne, ceux, et surtout celles, qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants passent pour des sans-cœur et dans le regard des jeunes mamans et papas, transparaît à la fois l’incompréhension et la pitié. Qui n’a jamais entendu que « ça viendra plus tard » ou « tu verras, ça donnera un sens à ta vie » ? Face à ces hordes reproductrices enfantant dans la joie et la bonne humeur et sûres de leur bon droit se retrouve une poignée de combattants pour la liberté et le plaisir égoïste, résistant encore et toujours à l’envahisseur malgré les sarcasmes et profitant allégrement des grasses matinées du dimanche, des sorties dans les bars jusqu’à 4h du matin et des voyages autour du monde.

Jeanne fait partie de ces olibrius pour qui la maternité n’est pas une fin en soi.
Sans enfant
Photographe free-lance de 35 ans en couple depuis huit ans avec Jeff, elle incarne parfaitement la jeune femme moderne, mélange de frivolité et de sérieux, qui sans être une adulescente n’a pas pour autant envie de devenir une vieille rombière et entend bien profiter des plaisirs qu’offre l’existence, et ce malgré les conseils intrusifs de ses amies. Sur un ton faussement badin, les auteurs abordent cette question du libre choix concernant son corps. Car si maintenant la pilule et presque universellement admise en France (à part quelques fanatiques), reste tout de même en filigrane la question de la maternité et ressort cette idée simpliste que la pilule, ça va bien au moment de l’adolescence mais pour une femme adulte et amoureuse, il faut penser à arrêter. L’amalgame est fait : quand on aime, que l’on est en couple, on se reproduit, c’est comme ça ; et aller à l’encontre de cette idée, pour par exemple profiter de la personne aimée dans une relation intimiste à deux, n’est tout simplement pas admis, ou du moins reste quelque chose d’étrange qui suscite l’incompréhension.
Il ne faut donc pas s’attendre à de la Bd chick lit mais à quelque chose de plus réfléchi, même si les codes de la « bd de filles » sont ici utilisés. Concernant le
Avec enfant
dessin par exemple, impossible de passer à côté du style épuré dans les tons pastel, avec une préférence pour le rose et le blanc que l’on voit fleurir depuis quelques années sur les blogs et autres plateformes féminines. Mais cela n’empêche pas de faire passer un message mis en valeur par les dialogues souvent crus des personnages. Au contraire, le contraste n’est que plus saisissant lorsque l’héroïne cauchemarde sur une possible maternité et permet des dessins osés sans sombrer dans le gore. Imaginons cette case d’un enfant bouffant le sein de sa génitrice au lieu de téter dans un traitement hyperréaliste, cela gâcherait tout. Le dessin permet donc une certaine fluidité et une liberté de ton, tout en douceur. En effet, nul besoin de choquer et de dénoncer avec
L'enfant, ce zombie cannibale
violence ce droit de ne pas avoir d’enfants, c’est un peu lourd parfois, mais ce n’est pas non plus le combat du siècle. Au final, le traitement rend les personnages très sympathiques, et ce peu importe leur camp, il est juste regrettable qu’il les fasse paraître plus jeune, le personnage de Jeff étant sensé avoir quarante ans alors que le dessin lui en donne dix-huit.
Les auteurs ont su capter ces petits moments du quotidien, ces discussions anodines qui peuvent jeter un froid, ces angoisses légitimes concernant les souffrances de l’accouchement, les divergences dans le couple sur les questions de fond, le tout avec humour et posent un regard acéré sur les codes de vie du XXIe siècle qu’il faut découvrir et s’approprier. Au final, c’est une ode au libre choix dans un monde de plus en plus stéréotypé et angoissant dans lequel se raccrocher à d’anciennes valeurs peut être rassurant, mais pas forcément épanouissant pour tous.

Comme le disait Rabelais, « Fais ce que voudras », et peu importe ce que préconisent les masses bêlantes tant qu’on est heureux avec ou sans enfants (mais plutôt sans quand même).