9/10Tibill le Lilling - Tome 1 - Salade d'Ortiz

/ Critique - écrit par athanagor, le 25/03/2010
Notre verdict : 9/10 - Tibill pas mon pote (Fiche technique)

Tags : eur tibill tome lilling ange soleil cagniat

Associant un jeune dessinateur avec un couple de scénaristes au long court, cette BD présente un monde enchanteur, où il devient vite plaisant de flâner.

Tibill est un lilling, qui vit dans le village des lillings, dans la forêt des lillings. Tibill est gentil et il essaie toujours de proposer son aide dans les moments difficiles que traversent ses congénères. Seulement, quand Tibill propose son aide, la solution est souvent plus désastreuse que le problème. Ce n'est pas vraiment sa f
aute, mais c'est comme ça. Alors quand arrive un jour, qu'un troupeau de cerfantaures, pris de panique, menacent les maigres récoltes du village, personne n'est vraiment très chaud pour suivre le plan de Tibill. Malheureusement c'est le seul disponible et, à priori, personne ne trouve réellement à y redire. Pourtant, appelons ça le destin, ça foire, et plutôt dans le genre lourd. Le village, les récoltes, mais aussi l'arbre des ancêtres, quasiment tout y passe. C'est donc à contrecœur que le village de Tibill doit se résoudre à lui signifier son exil. Non que cela soit vraiment la volonté de tous, mais la dure loi des lillings l'exige. Sa seule chance de retrouver un jour sa place dans la communauté, selon la loi, serait de sauver le monde. Alors, au boulot !

C'est d'abord une impression d'un dessin assez enfantin qui saisit la lecture. Le trait de Cagniat est assez particulier et ce que peut en montrer la couverture n'y prépare pas réellement. Puis l'habitude se fait assez rapidement. Enfin, en sortant du monde des lillings, écho de celui des hobbits, pour voyager à travers le monde et sa sordide réalité, ce trait semble se modifier, tant dans ses expressions que dans sa gestion des espaces et l'exposition de ses sujets. Se faisant moins enchanteur, le trait accompagne à merveille l'état d'esprit du petit personnage que l'on suit dans cette aventure subie. S'attardant alors sur la représentation d'espaces plus vastes, reflets du monde interminable et menaçant qui attend le héros, il offre des points de vue mélancoliques où l'introspection d'un personnage, forcé à devenir adulte, devient un refuge contre l'adversité. A la fois enjoué et
 sérieuse, la patte de Cagniat illustre et accompagne à merveille les sentiments profonds comme les coups d'œil furtifs, donnant alors au monde imaginé par ANGE une réalité saisissante.

Ce scénario, quant à lui, développé sur un point de départ simple et galvaudé, parvient à se résoudre en un univers fantasque et séduisant, où la bonhommie le partage à la cruauté. Cette dualité est omniprésente dans toute l'élaboration de ce monde où cohabitent des lilliputiens et des géants, dans des villes bâties sur des îlots perdus dans l'océan, abritant des complots politiques qu'on ne saurait, ayant terminé l'ouvrage, se résoudre à dénoncer. Une fois de plus ANGE déploient des talents de conteurs extravagant, et gèrent l'espace offert par les seules 48 pages de ce premier tome à merveille, ne donnant jamais l'impression de raccourcir leur matériel. Le récit est étonnement long et développé, et plonge littéralement le lecteur dans cet univers, le transformant alors en compagnon de route complice de Tibill.

Ce premier opus est une franche réussite, au niveau visuel et narratif, et dans tous les autres domaines qu'on voudra prêter à cet art de l'imagination. Il est alors très difficile de trouver un moment d'hésitation, dans cette formidable aventure, qui permette de modérer un enthousiasme sincère.