8/10Tétine Man - Tome 3 - Tétine Man n'a peur de rien

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 02/09/2012
Notre verdict : 8/10 - La bave des crapauds n'atteint pas les blanches tétines (Fiche technique)

Tags : tetine man christophe jeunesse nicolas guillaume livres

Il y a quelques mois, paraissait chez Didier Jeunesse le deuxième titre de la série des Tétine Man : Tétine Man est le plus fort. Le premier opus (Tétine Man), quant à lui, nous introduisait ce héros peu ordinaire, justicier des bacs à sable dont l'arme infaillible pour éradiquer la bêtise de ses pairs et l'acharnement des adultes n'est autre que... sa tototte. Voici donc le troisième album : Tétine Man n'a peur de rien. Comme ses deux prédécesseurs, il nous offre trois nouvelles aventures indépendantes. Christophe Nicolas à la plume et Guillaume Long au dessin continuent d'étoffer leur univers et leur personnage, et semblent avoir infusé dans leur jeune héros la graine d'un véritable petit génie du système D.

Tétine Man - Tome 3 - Tétine Man n'a peur de rien
Illustration de Guillaume Long, issue de Tétine
Man 3,texte de Christophe Nicolas, Didier
Jeunesse 2012
Maintenant que Tétine Man a pris de la bouteille (allez, il doit avoir 6 mois de plus au compteur !) depuis ses toutes premières aventures, ses principaux « adversaires » sont essentiellement des grandes personnes. Ainsi, deux des épisodes de ce tome 3 relatent sa confrontation avec deux adultes intrusifs et bien déterminés. La Mamie, que l'on avait déjà rencontrée dans le tome 1, n'a pas changé de lubie : il faut absolument que Tétine Man quitte sa tétine, même un court instant. Et si, pour parvenir à ses fins, elle doit se réduire au traquenard le plus éhonté et s'enticher d'un complice, le bien-trop-sympathique-pour-être-honnête fameux Jean-Pierre, qu'à cela ne tienne. Autre rivale en vue, mais ennemie publique numéro 1 de surcroît : la dame de la piscine. Mélange de dictatrice et d'ogresse aux habitudes psychorigides, elle fait trembler comme une feuille tous ceux qui ne se plient pas au règlement et au pédiluve. Le troisième opposant du protagoniste est en revanche plus inhabituel, et s'offre pour le coup le luxe d'être beaucoup plus attachant : c'est Diabolo, le chien de Tata Maga et de Tonton Gilles. En effet, la formidable étincelle qui scintille dans son regard, pourtant amorphe, à la vue de son petit hérisson en plastique semble adopter une lueur nouvelle à la vue de la tétine sacrée. Il va falloir trouver un subterfuge pour se débarrasser du cabot envahissant.

Christophe Nicolas garde encore une fois la ligne directrice empruntée dans les deux autres tomes et peaufine de plus en plus les retournements de situation autour de personnages secondaires à la fois justes et croustillants : le portrait du Tonton et de la Tata, par exemple, est un cliché très plausible du couple bobo-hippie-écolo, tout en restant charmant... comme dans le regard de Tétine Man. La piste principale pour faire garder au héros son statut de chérubin culotté mais intouchable, c'est de lui faire contourner les règles et les attentes dictées par ces tyrans d'adultes avec une élégance et une subtilité assez inattendue pour un petit de 4 ans. Tout cela sans méchanceté aucune, et c'est ce qui fait le sel de cette série pour les petits : le protagoniste reste bien, encore une fois, un enfant avec des préoccupations de son âge, n'en oublie pas pour autant son petit amour-propre, mais reste implacablement dans les clous pour chacune de ses pirouettes. De quoi, pour le jeune lecteur, se reconnaître sans peine, et sans doute même puiser quelques bonnes idées (!) Le personnage de Tétine Man nous est bien familier désormais, son caractère prend du relief au fil des albums, mais il reste le petit bonhomme placide, doté d'un sens de l'observation affûté et d'un recul inégalable sur le monde des adultes, du genre « on ne me la fait pas » (sûrement parce qu'il ne parle toujours pas). Comme dans les précédents opus, l'humour bon enfant de l'auteur s'orne souvent de petits sous-entendus qui devraient à nouveau et sans problème toucher les parents qui tomberaient dessus.

Tétine Man - Tome 3 - Tétine Man n'a peur de rien
Illustration de Guillaume Long, issue de Tétine
Man 3, texte de Christophe Nicolas, Didier
Jeunesse 2012
Bien évidemment, le graphisme de Guillaume Long continue d'esquisser les frasques du marmot avec une certaine tendresse et sa rondeur habituelle. Toujours sur la même longueur d'onde que le texte de Christophe Nicolas, les cadrages donnent la part belle aux ellipses et aux implicites, et le fait que Tétine Man n'ouvre jamais la bouche est parfaitement équilibré visuellement par ses postures rigolotes, ses expressions (pourtant très simples) et la représentation de ses silences « qui en disent long ». Mention spéciale à la bobine du chien Diabolo : un « molosse » dodu et dépenaillé dont on comprend en à peine quelques cases à quel point il est hyperactif et fatigant. Les passages avec la dame de la piscine et avec la Mamie sont également illustrés avec un certain piment, donnant des scènes cocasses et irrésistibles, et sont émaillés de clins d’œil et d'un second degré très adulte, qui devraient vraiment plaire aux plus âgés.

Toujours aussi attachant, arborant un caractère fidèle à lui-même, et constant dans sa gestion des situations délicates, Tétine Man nous offre une série de trois nouvelles aventures qui réjouira indéniablement ses fans de la première heure. Il ralliera probablement même à sa cause de nouveaux lecteurs, qui auront certainement envie de découvrir les autres albums. Difficile de trouver des bandes dessinées pour les petits qui ne soient ni trop balourdes ni trop complexes. Encore plus difficile de tomber sur une série, avec un concept aussi simple mais universel, qui ne s’essouffle pas au bout de trois tomes. Tétine Man fait partie de ces titres qui touchent juste, sans prétention mais avec cette pointe de dérision et de tendresse qui les rend atypiques et donne envie d'en lire bien davantage.