Sylve
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 10/10/2005 (Tags : sylve prenom foret france sylves saint francais
Bien dialogué, découpé et mis en image, très agréable et facile à parcourir, Sylve est une bonne série HF, dans la mesure où on la parcourt avec une grande soif de découvertes et de surprises.
Les auteurs
Avant d'exploser chez Soleil avec Mortepierre, Tarvel et Aouamri se sont fait connaître du public avec Sylve, une série au succès assez important mais aujourd'hui oubliée par le grand public et abandonnée depuis 1998 par ses auteurs...
L'histoire
La terre est totalement recouverte par une forêt gigantesque. La cime des arbres est aussi impossible à atteindre que le sommet des plus grandes montagnes. Torg, recueilli enfant par la tribu des rhizans, ne connaît pas ses origines, qu'il devine mystérieuses et forcément reliées au passé de cette planète engloutie par le temps.
A perte de vue, la jungle
Tous les éléments de l'héroïc fantasy classique se mettent en place très rapidement début du premier tome. Les deux personnages principaux nous sont présentés dans un dialogue d'exposition très peu naturel dès la première page. On pressent une quête et un mystère à percer, des peuples à découvrir, un monde à explorer... Très vite, les repères s'installent : les bons, les méchants, les impulsifs, les sages... Le manichéisme est de mise, comme souvent en héroïc fantasy. On touche à l'une des principales faiblesses de départ du récit. Les personnages sont très peu épais. Le héros, sans peur et sans reproches, nouveau Mowgli, est assez fade, sans réelle psychologie. Sa compagne, Daha, est transparente dans son rôle de potiche. Malgré cela, le monde peu à peu dévoilé se révèle passionnant. Dans Sylve, la terre est entièrement recouverte d'une forêt gigantesque. Un sentiment de confinement envahit très vite le lecteur, qui étouffe à plusieurs reprises en se passionnant pour cet univers et ses habitants. Car si la typologie des personnages de Sylve est assez faible dans les premiers instants, le coté ethnologique du triptyque est très intéressant. Les rhizans forment une société virile et barbare au sein de laquelle la femme, qui n'a pas droit à la parole, est un bien que l'on se dispute. Les Sylvains sont à l'opposé des ariens calmes et pacifiques. Il y a vraiment matière à observer, à fantasmer et à s'identifier... Tout ce que l'on demande à un récit héroïc fantasy... Avec le tome trois, les personnages principaux se font moins caricaturaux et de multiples références aux événements des deux premiers tomes donnent, dans les dialogues, une impression inédite de profondeur et de complicité.
Entre deux mondes
Mais Sylve, ce n'est pas vraiment de l'héroïc fantasy. Tout au moins, pas totalement. Il y a une juxtaposition intéressante de deux univers : l'anticipation (une civilisation morte et recouverte par la forêt) et l'héroïc fantasy (un monde hirsute et baroque composé de plusieurs peuplades antagonistes). On trouve même aussi quelques éléments de science fiction (les robots). Sylve, sous ses airs de divertissement, contient plusieurs messages très francs. Le triptyque va dans le sens de l'écologisme (c'est l'homme qui doit s'adapter à la nature et pas l'inverse), du pacifisme (le héros déteste les armes), de la fraternité et du métissage (le non mélange des peuples amène la dégénérescence). Comme à chaque fois avec Tarvel, on déguste de très bons dialogues, même si ceux-ci sont plus écrits et moins humoristiques que dans Mortepierre, par exemple. Sylve est aussi moins porté sur la violence et le sexe. Epuré de toute grande vulgarité, utilisant un humour bon enfant, parlant des choses du sexe sans les dévoiler à outrance, le triptyque peut, à certains moments, faire penser à une série jeunesse. Comme on l'a dit plus haut, Sylve passionne par l'un des aspects les plus fouillés de l'héroïc fantasy : l'impression quasi-frustrante d'un monde totalement inconnu et sans limite, complexe, que le lecteur prend du temps à découvrir sous toutes les coutures : la faune et la flore, les peuples et leurs coutumes, les mystères du passé, l'histoire de la planète... Et, comme d'habitude avec Tarvel, il y a ce coté humainement imprévisible qui rentre presque en contradiction avec la nature stéréotypée des personnages principaux. On ne sait jamais réellement quelle tournure le récit va prendre, quels personnages vont apparaître, réapparaître ou disparaître, ni à quel moment de l'aventure la progression des héros vers les cimes va être ralentie...
Trois tomes, huit années
Pour tout fan d'Aouamri qui se respecte, Sylve est une série indispensable. 1990, 1993, 1998... Ce sont les dates de parution des trois albums. Trois tomes sur une période de huit années, il va sans dire que l'évolution graphique de Aouamri est palpable, mesurable. Pendant ces quelques années, Aouamri va s'affranchir d'un dessin plutôt classique et semi réaliste pour se diriger vers ce style si caractéristique, foisonnant de détails, modelé au trait. Un style en pleine croissance aussi, dans la représentation des corps. Une musculature explosée et contractée en permanence chez ces messieurs et des formes et courbes très prononcées chez ces dames...
En définitive, un triptyque qui a son lot de qualités et de défauts mais qui vaut largement le coup d'être découvert. Bien dialogué, découpé et mis en image, très agréable et facile à parcourir, Sylve est une bonne série HF, dans la mesure où on la parcourt avec une grande soif de découvertes et de surprises.
Tome 1 : Le Peuple des Racines (1990)
Tome 2 : Le Voyage Vertical (1993)
Tome 3 : Le Seigneur des écorces (1998)