8.5/10Et si on se racontait une histoire juive ?

/ Critique - écrit par plienard, le 28/04/2011
Notre verdict : 8.5/10 - Le janitor - A croquer (Fiche technique)

Tags : juifs histoire juif siecle juive monde holocauste

Si vous aimez les histoires juives, j’en ai trois à vous proposer. Mais entendons-nous bien, ce ne sont pas des histoires drôles. Loin de là. Une histoire de service secret, une histoire d’avions tchèques et une histoire de curé. Faites votre choix.

Février 2011 - Le JANITOR, Tome 4, Les morsures du passé - DARGAUDEt si on se racontait une histoire juive ?
Couverture de l'album.

Lors des épisodes précédents, Vincenzo, le troisième janitor, s’est retrouvé à enquêter sur une organisation nommée « le nouveau temple » et dont le garde-chiourme n’est autre que Fabrizio, son frère jumeau. Or ce dernier est censé être mort d’overdose depuis quelques années. Suspectant le cardinal Di Origio de faire partie du nouveau temple, il suit ce dernier et se retrouve à sauver un grand-père et sa petite-fille, chasseurs de nazis.

Le scénario d’Yves Sente s’étoffe encore un peu plus avec ce quatrième tome. Toujours aussi bien fait, il nous donne quelques indices tout en épaississant le mystère sur les janitors et sur le jumeau de Vincenzo.
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Parallèlement, l’introduction des vengeurs juifs, le grand-père et sa petite-fille, permet de dévoiler le lien entre une partie du Vatican et le nouveau temple. Certains dignitaires de l’église catholique ayant aidé des officiers nazis à s’échapper à la fin de la seconde guerre mondiale, ont gardé des contacts avec ces tortionnaires. Ainsi, Yves Sente joue au chat et à la souris avec le lecteur, satisfaisant une partie de ses envies pour en même temps l’emmener sur d’autres intrigues. Rappelons que ce virtuose du scénario est aussi un des repreneurs de Blake et Mortimer et Thorgal.

Associé au scénariste, on retrouve François Boucq (Rock Mastard, Bouncer) et son dessin si réaliste. Le Lillois nous démontre encore une fois son génie à dessiner des gueules et des corps particulièrement expressifs.
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Le début avec des corps de vieux a du être pour l’auteur quelque chose de jouissif. Criant de vérité, on y voit le poids des ans et la déchéance humaine au travers des corps flétris. C’en est même, quelquefois, dérangeant. Une mention particulière, aussi, pour la petite-fille juive, au look de punk, décharnée comme si elle sortait d’un camp. On perçoit la détresse et la colère de la jeune fille et toute sa volonté à venger sa famille ainsi que son identification à leur souffrance. « Elle est allée jusqu’à se faire tatouer le numéro de déportée de sa grand-mère sur le bras ! ».

Que ceux qui ne connaissent pas la série ne s’inquiètent pas. On parvient aisément à comprendre l’ensemble de l’album sans connaître ou avoir lu les tomes précédents. Un seul souci va alors se présenter, celui de vouloir lire rapidement les trois premiers.

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Avril 2011 : Mezek - LE LOMBARD


Couverture de l'album.
Nous sommes tout juste après la création de l’état d’Israël, en 1948. Le pays est déjà en guerre contre ses voisins arabes mais est soumis à un embargo sur les armes. Il parvient à faire rentrer de vieux avions tchèques démontés, appelés Mezek. Leur conduite s’avérant difficile de part leur constitution – un moteur trop lourd et trop encombrant – elle est confiée à des mercenaires qui servent en même temps d’instructeurs aux jeunes aviateurs juifs. Parmi ces mercenaires, le suédois Björn, spécialiste de Mezek.

Le duo d’auteurs aux commandes de cet album est un duo que personne n’osait rêver. Et à bien y réfléchir, seule la collection Signé chez Le Lombard pouvait le permettre. Juillard et Yann, respectivement au dessin et au scénario, signent tout bonnement un superbe tome. Tout y est : le sujet jamais traité, de l'amour (la blonde Jackie) avec un peu de passion (la brune Oona Kagan), de la jalousie (la rousse Tzipi), de l’espionnage, de l’amitié, un peu d’histoire, de la haine (les jeunes pilotes acceptent mal que des mercenaires combattent pour Israël et soient grassement payés) et un cliffhanger de fin tout à fait surprenant. Sans avoir réellement beaucoup d’action, l’album est centré sur Björn, ses réflexions, ses bains de minuit, et surtout son mal-être et ce secret qui semble le ronger.


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Yann qui garde cette histoire depuis plus de vingt ans dans ses tiroirs semble maîtriser toutes les ficelles de son intrigue. Ne désirant pas vous en dire plus pour ne pas casser la révélation à la fin de l’album, sachez en tout cas que cette histoire imaginée est tirée de faits authentiques et historiques. Et si le déroulement de l’action paraît un peu académique, voire un peu trop linéaire, cela donne en tout cas une authenticité et du dynamisme au récit. De plus le trait de Juillard donne une intimité avec le personnage, comme si on était proche de Björn. On appréciera aussi ces corps nus, mais non érotiques et les scènes de baignades qui apportent des moments de pause et de réflexion.

À n’en pas douter, cet album est un grand moment de lecture et de plaisir, qui nous fait comprendre que la réalité est parfois plus complexe que ce que l’on pense.

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Avril 2011 - Les agents du Mossad, Tome 1, Eichmann - 12Bis


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Membres du Mossad, le service secret israélien, à la division des opérations spéciales, Ben et Roni sont envoyés à Paris pour éliminer un cadre du Hamas, Djibril Hasni. La mission se déroule sans accroc jusqu’à ce que Roni se fasse abattre par un sniper. Ses dernières paroles seront « ils savent... Eichmann ».

Après le tome 4 du Janitor chez Dargaud en février, et Mezek chez Le Lombard en avril, 12Bis nous propose Agents du Mossad, (future ?) série avec des Juifs et des nazis. Si le sujet est à priori porteur (trois albums chez trois éditeurs en mois de trois mois), il est en tout cas source de beaucoup d’inspiration. Pierre Boisserie et Frédéric Ploquin sont les papas du scénario et Siro s’exécute au dessin. Le dessinateur d’Aquablue n°10, Le baiser d’Arakh, signe un album esthétiquement joli : beau dessin, belles couleurs (de Christophe Araldi). Concernant le découpage, on est par contre moins enthousiaste : cette tête, page 27, qui surpasse d’autres cases nous fait plus penser à un album de Mickey Mouse qu’à un album d’espionnage (sauf peut-être une aventure de Mickey espion !) ; page 45, l’enchaînement des actions est un peu difficile à suivre et à comprendre ou alors il faut admettre que le héros Ben est en fait un super-héros, genre Flash. Mais il ne me semble pas que Flash était juif. Il faudra demander confirmation aux spécialistes comics de Krinein.


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Si ces quelques exemples étaient isolés, cela ne serait pas trop grave. Mais le pire est que les textes et le scénario ne viennent pas au secours du dessin. En mission en Argentine, les mecs du Mossad ne se plaignent que de la bouffe. On veut bien croire qu’ils ne sont pas doués pour la cuisine, mais franchement, on n’en a rien à f...... Ensuite, cette saga familiale au sein du Mossad est un peu aberrante. Je ne suis pas spécialiste des services secrets et encore moins d’Israël (les auteurs me pardonneront, j’espère, mon inculture) mais j’ai du mal à croire ce qui nous est montré dans l’album : espions de père en fils, Ben et Roni sont les fils de deux agents qui ont arrêté l’officier nazi Eichmann. Venant d’un grand reporter à Marianne, Frédéric Ploquin, et du scénariste de Dantès Pierre Boisserie, cela semble un peu léger.

Si on accepte d’avaler les couleuvres (il paraît que la chair du serpent a bon goût), l’album en lui-même est assez agréable. Cherchant à s’inscrire dans la réalité - l’émission C’est dans l’air© dessinée par Siro permet d’apporter des éléments pour la compréhension de l’histoire - les dernières paroles de Roni suscitent notre intérêt autant que celui de Ben. C’est déjà ça.

Si les deux premiers remporteront largement l'adhésion du lecteur, on donnera une chance au troisième en attendant le deuxième tome. Toujours est-il qu'il y en a pour des goûts différents. Bonne lecture.