Secrets : Samsara - Tomes 1 et 2
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 01/03/2009 (Tags : tome secrets giroud samsara auteur frank pages
Un superbe diptyque, dont la deuxième moitié se sera faite attendre durant un an et demi. Epopée indienne et chronique familiale : Samsara est un point fort des Secrets de Frank Giroud.
On n'avait plus de nouvelles des Secrets de Frank Giroud depuis 2007 : depuis, la collection Empreinte(s) a disparu, Dupuis a changé son logo... mais les Secret(s) n'ont pas dit leur dernier mot pour autant, puisque deux nouveaux albums sortent en ce début 2009 : le one-shot Pâques avant les Rameaux, et cette conclusion attendue au récit Samsara, d'abord annoncée pour 2008 (d'ailleurs, les planches étaient apparemment prêtes dès le mois d'août, mais la publication a pris un poil de retard). Cinq récits, dix tomes, Giroud et ses différents dessinateurs peuvent être fiers du boulot accompli depuis 2004. Les tons différent radicalement, mais chacune de ces chroniques familiales possède une richesse incontestable.
Manchester, avril 1885. Elizabeth Griffith galère furieusement pour garder ouverte
son école mixte consacrée à l'éducation des enfants nécessiteux. Lorsque son établissement ferme finalement, elle voit partir sa sœur fraîchement mariée vers les lointaines Indes britanniques. Etonnée par la violente réaction de son père, elle se penche sur le passé de ses parents, et découvre une aventure où se mêlent la cupidité, la jalousie et la soif de découverte. Une aventure fascinante sur les traces desquelles la jeune femme se sentira forcée d'embarquer...
Sur la couverture du premier tome, une statue de divinité souriante apparaît au milieu des lianes ; au premier plan, un fusil, des jumelles et une carte au trésor. Les ingrédients du récit d'aventure à l'ancienne sont réunis, mais présentés sans élément humain. De fait, l'héroïne se contente de prendre connaissance d'une histoire qui ne l'affecte donc qu'indirectement. Sur la couverture du second tome en revanche, l'intrépide Elizabeth est montrée chevauchant une monture qu'elle semble violenter, et en tire une autre qu'elle a chargée d'un volumineux équipement ; elle semble se diriger vers le trésor étalé au premier plan, qui semble si accessible... Malgré leurs différences (même les couleurs sont plus chaudes et dynamiques dans la deuxième), les deux couvertures répondent à la même construction, et s'inscrivent toutes deux dans un cadre, qui fait écho à la démarche même des Secrets : raconter une histoire fausse comme si elle était vraie, en s'appuyant sur les réalités historiques et un certain nombre d'anecdotes déterrées par les familles au fil du temps.
La beauté formelle des deux albums, que l'on doit au dessinateur-coloriste Michel Faure, pourrait à elle seule justifier leur achat : chaque case est une peinture d'art,
dont les couleurs riches et lumineuses font aussi bien mouches dans la représentation d'un jardin anglais que dans celle de la jungle indienne. Les personnages sont expressifs et reconnaissables, ce qui est loin d'être toujours le cas dans les bandes dessinées qui optent pour le réalisme ; et Faure s'octroie même le luxe de changer radicalement de style quand il aborde un espace-temps différent du reste (planches 29 et 30 du premier tome). Mais au-delà des belles images, le diptyque relate une intrigue aux multiples facettes, qui marche aussi bien sur le terrain de l'aventure exotique que sur celui de la psychologie (de façon parfois un peu artificielle, il faut bien le reconnaître) ou sur celui des relations humaines. La mise en parallèle des deux expéditions, qui fait nécessairement apparaître le cruel jeu des répétitions sur les deux générations impliquées, n'est jamais trop lourde ni trop démonstrative. Le fait que chaque album fasse 78 pages permet au récit de prendre son temps, et laisse au lecteur le soin de savourer les multiples détails et rebondissements. Une belle saga, épique et intimiste.