7.5/10Sang noir - 1906, la catastrophe de Courrières

/ Critique - écrit par plienard, le 09/03/2013
Notre verdict : 7.5/10 - Sang rouge pour gueules noires (Fiche technique)

Tags : catastrophe mineurs courrieres loyer jean luc noir

Jean-Luc Loyer est né dans le Pas-de-Calais. Et comme toutes les personnes originaires de cette région, il a une sensibilité particulière pour ce qui concerne son histoire, et celle des mines en particulier. Il se trouve que Jean-Luc Loyer est aussi auteur de bandes dessinées. C’est donc tout naturellement qu’il publie aux éditions Futuropolis un livre sur les gueules noires, Sang noir.


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Ce titre est assez explicite. On comprend d’emblée qu’il va être question des mineurs (qui sont sur la couverture) et surtout de leur sacrifice (le mot n’est pas trop fort). Car pour ces travailleurs, la mort est sans cesse présente, en particulier le 10 Mars 1906, à Courrières où va se dérouler unes des plus importantes catastrophes industrielles et humaines de tous les temps. Sur 1697 mineurs, 1099 mourront, dont 242 enfants ! Certains avaient 12 ans !

Jean-Luc Loyer, à l’aide une documentation très riche, nous raconte ce triste épisode minier meurtrier au travers de quelques personnages, mais raconte aussi l’environnement politique de l’époque. Il y a bien sur cette histoire émouvante du galibot Pruvost qui retrouve par hasard son père alors qu’ils cherchent chacun à sortir de la mine depuis plusieurs jours. Mais l’auteur n’oublie pas de mettre en avant le contexte historique et les conséquences de cette catastrophe : Clémenceau devient ministre de l’intérieur, les grèves, les affrontements entre grévistes et non-grévistes, l’intervention de l’armée, le rôle des journalistes.

On pourra se plaindre que certains personnages sont parfois difficiles à identifier, tant leur physionomie est la même. Par contre, le pouvoir émotionnel et de témoignage de ce livre est magnifique. Il rappelle que des milliers d’hommes a été (sur-) exploités pour la France, le productivisme et l’enrichissement de quelques-uns. Le moment le plus fort de l’album n’est, pourtant, pas celui d’une page dessinée, mais bien cette liste des 1099 personnes disparues, placée en plein milieu du livre. Et on ne peut s’empêcher de s’attarder dessus et voir que des fratries complètes ont disparues, quelquefois jusqu’à 10 hommes d’une même famille car à cette époque on était mineur de père en fils. L’auteur aurait pu chercher à nous émouvoir assez facilement, mais ce n’est pas là sa volonté. Il nous rappelle un drame qui s’est passé il y a un siècle que beaucoup auront peut-être oublié, voir qu’ils ne connaissaient pas. Il s’attarde aussi à remettre en place l’environnement de cette époque sans réellement juger (même si on sent qu’il a une certaine empathie pour les mineurs plutôt que pour les dirigeants économiques ou politiques).

Un livre qui devrait intéresser de nombreuses personnes, et qui mérite d’avoir du succès.


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