7/10Rue des chiens marins

/ Critique - écrit par plienard, le 14/06/2010
Notre verdict : 7/10 - Phoque la vie ! (Fiche technique)

Tags : marins michel chiens comics avis jeunesse signe

Josef, jeune sous-marinier sur un U-boot pendant la seconde guerre mondiale, va tuer son ennui en communiquant avec un phoque qui parle. Entre réalité et onirisme, nous allons le suivre dans sa lente descente vers les abymes de son esprit.

Josef est sous-marinier sur un U-boot en pleine seconde guerre mondiale. Il découvre les rudiments de la vie en sous-marin : la promiscuité, l'humour bête et méchant de ses compagnons, l'amitié en la personne de Conrad et l'écoute en la personne ... d'un phoque ( ?).

Voilà une belle histoire alliant poésie, onirisme et parfois folie dans certaines cases. L'auteur Michel Constant (scénario et dessin) nous dépeint la solitude, les angoisses d'un jeune sous-marinier, Josef. La vie à bord est longue, ennuyeuse, sans réelle activité sauf lors des attaques (infligées ou subies). Il est le narrateur de cette histoire. Lors de sa naissance, le médecin fait tomber la figurine de la crèche représentant Joseph. Ainsi, pour qu'il y ait un Joseph lors de la veillée de Noël, ses parents lui donneront le prénom du père de Jésus.

L'histoire débute ainsi, par ce moment de poésie qui va nous mettre en condition pour tout l'album. Car l'album est ainsi fait qu'il marie la poésie et l'imaginaire à la réalité de la guerre et la vie dans un sous-marin. Le capitaine passe la truite de Schubert ou lit des passages du roman de l'île au trésor à ses soldats pour passer le temps. Mais la réalité de la guerre est aussi très présente avec le demi-corps de femme repêché après l'attaque d'un bateau ennemi, l'antipathique sous-marinier au physique sorti d'un album de fluide glacial, ou le soldat Spucke qui transpire la perversité. Ces deux environnements s'opposent ce qui provoque chez Josef des pensées et des rêves fantastiques, superbement représenté par l'auteur (le jeu est de retrouver à quoi se rapporte les différentes images de ses pensées). Puis un jour, un phoque s'approche du U-boot lors de l'une de ses remontées et s'adresse directement à Josef. D'abord incrédule, le jeune homme commence alors une incroyable discussion avec l'animal. C'est pour nous l'occasion de connaître son passé : ses deux grands frères, la jolie Emma sa voisine juive.

L'introduction du phoque est un peu étrange. Il n'apparaît pas tout de suite. Conrad sert d'abord de confident, pour ensuite être remplacé par le mammifère qui va accorder plus d'attention à Josef. Leur dialogue va être le seul moyen pour le sous-marinier de communiquer et d'avoir des nouvelles de l'extérieur.

Le phoque est en fait un lien entre Josef et le lecteur, un prétexte aux confidences de Josef. Il est un instrument de la critique de la guerre avec son lot de conséquences désastreuses : la mort, le suicide, le malheur des familles ...

Un mot sur la couverture qui me fait m'interroger. Elle rassemble l'ensemble des scènes importantes de l'album et sait donner l'envie de lire cette bande dessinée (ce qui est son but premier). Mais on ne voit pas trop pourquoi, elle donne la part belle à Emma alors que le phoque (animal voir même personnage important de l'histoire) n'y est même pas représenté et on devine juste Josef en ombre chinoise. Si bien qu'on a l'impression d'avoir été trompé sur le contenu.

C'est une n-ième représentation originale de la seconde guerre mondiale. Même si on a toujours le méchant soldat, la jeune et jolie juive, le traitement qui est fait ici aurait bien pu se passer à une autre époque, dans une autre guerre. On pourrait presque parler d'une tranche de vie, un épisode anonyme  qui ne bouleversera pas le déroulement de la guerre, mais qui a son intérêt dans ce qu'elle génère, la mort et la tristesse.