8/10Rosangella

/ Critique - écrit par iscarioth, le 14/01/2007
Notre verdict : 8/10 - Du bon Corbeyran (Fiche technique)

Tags : rosangella corbeyran berlion eric dargaud histoire auteur

L'histoire est classique, mais contée et mise en image d'excellente façon. Un récit de vie raconté de manière intense et articulée, qui trouve tout son sens dans la collection Long Courrier de Dargaud.

Premières semaines de cette nouvelle année 2007, premier album signé Corbeyran. Le scénariste aux 130 albums, dont la bibliographie ne cesse d'enfler d'année en année, nous livre ici sa nouvelle oeuvre. On peut déjà prendre les paris : qui de lui ou de Morvan « produira » le plus cette année ? Les nouveaux albums pour 2007 se compteront-ils en dizaines ?


Trêve de plaisanteries. On a beau se moquer, Corbeyran, en plus de sembler être économiquement rentable pour les éditeurs, possède un talent de scénariste indéniable. On le sait à l'origine de séries très typées, incrustées dans les codes du genre policier ou fantastique. On le connaît aussi sous un aspect plus auteuriste, avec des one-shots sensibles comme Lie-de-vin, qui savent toucher un tout autre public. Pour sa première sortie de l'année, c'est plutôt le deuxième Corbeyran que l'on retrouve, avec un album volumineux d'environ quatre-vingt-dix pages. Une histoire se déroulant dans le sud de la France, ce qui ne manquera pas de rappeler d'agréables souvenirs aux lecteurs de Lie-de-vin. Surtout que les couleurs chaudes sur lesquelles se promènent nos yeux sont réalisées par le même dessinateur : Olivier Berlion. On reconnaît aussi la patte du dessinateur par sa façon de mettre en forme les visages. Même expressifs, les faces renvoient une impression de froideur et de stoïcisme. Les regards intriguent, avec des yeux qui ne sont pas toujours très uniformes (décalage de la pupille, variation de grosseur). Ce que l'on pourrait percevoir comme une maladresse nous renvoie plutôt une impression d'étrangeté, de bizarrerie.


Etrangeté et bizarrerie soutenues par un scénario très axé sur les comportements, histoires personnelles et caractères des personnages. Tous ont vécu un traumatisme important, l'homme à l'origine de ce traumatisme réapparaît dans le quotidien de chacun, et sa présence entraîne une montée du suspense qui, forcément, devra trouver un exutoire. Le suspense généré par Corbeyran est double : le lecteur s'attache à découvrir le passé des personnages, l'origine du traumatisme, mais il anticipe forcément aussi un coup de théâtre. On est donc stimulé par la découverte du passé comme du futur : une mécanique implacable. Plutôt fourni en dialogues et avec une pagination plus épaisse que la moyenne, Rosangella est très agréable à lire pour les raisons sus citées mais aussi pour sa mise en forme aérée. L'album est divisé en deux chapitres, plus l'introduction et le prologue, et forme un ensemble articulé et pensé. Corbeyran a fait s'entremêler passages actuels et flashbacks, et le pinceau de Olivier Berlion suit. Les planches sont toutes réalisées en couleurs directes, avec des contours bien encrés de noir lors des passages actuels et un rendu plus estompé et onirique lors des flashbacks.


L'histoire est classique, mais contée et mise en image d'excellente façon. Un récit de vie raconté de manière intense et articulée, qui trouve tout son sens dans la collection Long Courrier de Dargaud.