8/10Reality Show - Tomes 1 à 3

/ Critique - écrit par iscarioth, le 18/05/2005
Notre verdict : 8/10 - Real BD (Fiche technique)

Tags : tome reality show morvan manga jean david

Critique du premier cycle (tomes 1 à 3) : de l'action, des sentiments, un peu de gore et de la robotique... Reality Show tient son lecteur en haleine et le fait réfléchir

Jean David Morvan est un scénariste reconnu par la plupart des bédéphiles comme l'un des plus doués de sa génération. L'auteur se distingue avant tout par son ébouriffante et boulimique créativité. De l'explosion du premier tome de Sillage en 1998 à ses récentes publications en 2005, Morvan a signé pas moins d'une soixantaine albums, avec des dessinateurs souvent différents. realityshow01_250.Le scénariste s'est essayé à tous les genres : anticipation, western, manga, humour, enfance, one-shot, héroic fantasy, science fiction... Morvan et Munuera, son dessinateur fétiche, ont même succédé aux mythiques Tome et Janry pour continuer la célébrissime série Spirou et Fantasio ! Mais cette cadence infernale a peut-être de quoi inquiéter puisque sur 21 séries en cours depuis 1998, seule une a trouvé son dénouement (Nomad, en cinq albums), si l'on en croit les archives de la Bedetheque. Quoiqu'il en soit, avec la publication du troisième tome de Reality Show, en cette première moitié 2005, ce n'est peut-être pas une série qui trouve conclusion, mais tout au moins un cycle. On Air, Direct Live et Final Cut forment un triptyque que bien des lecteurs ne sont pas prêts d'oublier...

L'histoire

Comme son nom l'indique, Reality Show parle de la Real TV dans le cadre d'une série d'anticipation. Norman Barron et Oshii Feal sont des agents d'une police privée et télévisuelle. Les coéquipiers affrontent le Triangle Rouge, un serial killer énigmatique.

Real TV

realityshow02_250.Oui, c'est bien de Real TV qu'il s'agit. La télévision réalité qui agite notre actualité du début des années 2000 est au centre de Reality Show que l'on ne range pas gratuitement dans le genre « anticipation ». Reality Show, c'est la vie d'un couple de policiers un peu spéciaux. Imaginez un futur où même les services de police se privatisent, un monde où la Real TV a gangrené toutes les sphères de la vie. Des policiers qui interviennent en « direct live » et effectuent des interpellations musclées devant les caméras... On croirait vivre un cauchemar, pourtant, du coté des Etats-Unis, l'idée est déjà depuis bien longtemps exploitée par plusieurs chaînes de télévision. Mais revenons à nos bandes dessinées. Dans le futur présenté par Reality Show, Médiacop, une chaine de télé propose aux téléspectateurs, en échange d'un abonnement, de suivre les aventures mouvementées de deux jeunes et beaux policiers. Gullick, patron de la chaîne, archétype du télé-businessman, est l'espèce de Big Brother qui orchestre son émission : il veut un spectacle grand public, rentable, intellectuellement aseptisé, fédérateur. Il met tout en place pour offrir au public un programme basé sur l'action plutôt que sur la réflexion, avec, à la clé, de grandes scènes de course-poursuite et de sexe. Les paroles du bonhomme font froid dans le dos, tant elles renvoient bien aux déclarations de certains gourous du PAF : « Ca commence à devenir trop technique pour notre public. Et c'est l'heure de la pub. », « On va exploser l'audimat »... Les perversités de la Real TV sont démontrées : le phénomène de dépendance qui scotche le public à l'écran et la manipulation qui sévit du coté des "candidats". Comble du sarcasme, cette petite annotation de Morvan au début de chaque album : « Merci à TF1 et M6 pour toutes leurs merveilleuses idées ».

Une atmosphère

realityshow03couv_250Reality Show, c'est une atmosphère. Avant tout, un odeur malsaine qui se dégage de son sujet principal : la Real TV. A quels moments les personnages sont ils acteurs ? Peut-on les croire sincères ? Les dialogues sont réussis et renforcent certaines ambiguïtés dans les caractères, notamment avec le personnage Barron, à qui le lecteur n'accorde jamais toute sa confiance. Le Triangle Rouge est aussi un personnage très réussi. Inquiétant justicier de l'horreur, il marque ses victimes d'un signe meurtrier distinctif. Toujours dans l'ombre, virevoltant sur les toits, ce "super-méchant" renvoie à bien des héros de comics comme Batman. On se souviendra de sa conversation profonde et bien dosée en ambiance avec le prêtre Amansar dans le tome 2 ! L'univers graphique créé par Francis Porcel, dessinateur espagnol formé aux Beaux Arts de Barcelone, inconnu en France, est de toute beauté. Les architectures sont crédibles et imposantes, les robots impressionnent. On peut aussi souligner le talent d'Hubert, le coloriste qui, contrairement à bon nombre de ses collègues, ne se contente pas de barbouiller ses arrière-plans de couleurs uniformes. Son travail est varié et détaillé. Petit bémol, cependant, le final du tome 3 sent un peu trop le "happy end américain", avec des personnages dont l'épaisseur s'effondre sous la simplicité. De l'action, des sentiments, un peu de gore et de la robotique... Reality Show tient son lecteur en haleine et le fait réfléchir... Que demander de plus ?


Un quatrième tome est, selon les propres dires de Morvan, en route. Le second cycle ne devrait pas dépasser deux albums et traiterait « des vacances manipulées d'Oshii ». Un troisième cycle est aussi en projet.