8.5/10Prototype

/ Critique - écrit par Maixent, le 03/10/2011
Notre verdict : 8.5/10 - On ne touche pas à cette pomme !!! (Fiche technique)

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Toujours aussi drôle et subversif, Ralf König nous offre un album réussi et intelligent à lire et à relire pour se remémorer quelques principes de base de philosophie et surtout pour rire...

Ralf König est souvent remisé dans la catégorie auteur homosexuel, ce qui n’est pas tout à fait faux, mais cela ne l’empêche pas, même si son propos est souvent ancré dans la communauté gay de toucher une grand partie de la population abordant avec humour et perspicacité de nombreux thèmes de société.

Avec le premier album de cette série consacrée à l’histoire de la Création, il met à nu aussi bien Adam que les incohérences de la société judéo-chrétienne, s’appuyant sur les bases de la philosophie occidentale opposées à une religion parfois inconséquente et absurde. Bien entendu, son Adam ressemble à un « bea r » sorti tout droit de son back room, mal rasé, poilu et légèrement grassouillet mais si ce n’est ce point de détail, nous ne sommes pas du tout dans une bande dessinée visant un public homosexuel.  Sous couvert d’un humour efficace et de dialogues bien sentis, on est plutôt ici dans la critique d’une religion dépassée sans pour autant faire l’amalgame et cracher bêtement sur des principes fondamentaux. Car si Ralf König peut se vautrer dans le stupre et le fist-fucking, il est aussi capable de finesse et son discours est truffé de références philosophiques appuyant son propos.

On reste cependant dans le divertissement et si les penseurs sont au rendez-vous, il n’y a rien de rébarbatif, plutôt un rappel des études de
Tatou sortant de la caverne et découvrant le monde
philosophie en terminale. On croisera donc la fameuse allégorie de la caverne selon Platon, illustrée ici par un pauvre tatou qui sert aux expériences sur l’esprit effectuées par le premier homme et autres questionnements métaphysiques sur les grands thèmes classiques que sont la Vie, la Mort, l’Infini… Puisqu’on ne peut discourir sur ces grands thèmes seul, Adam s’est trouvé un interlocuteur de choix en la personne de Lucifer (Lucky pour les intimes), sorte de serpent goguenard avec des petites cornes. Sous les ordres de Dieu et souvent perplexe quant aux réalisations de ce dernier, il est plus un philosophe éclairé qu’un véritable apôtre du mal. Dieu pour sa part apparaît comme un mégalomane manipulateur, sorte de savant fou mettant sur pied un monde qu’il ne maîtrise pas et tentant sur ses créations des expériences tel un enfant psychotique avec un moineau tombé du nid avant de l’envoyer violement s’éclater sur la vitre.

Il en va ainsi de la découverte de la sexualité chez Adam. Dieu lui fait découvrir le plaisir pour ensuite lui interdire de s’en procurer par lui-même. Vient ensuite
Dieu faisant découvrir le plaisir à Adam
la création d’Eve à partir de la côte d’Adam, ce qui permet à celui-ci d’arrêter pour un temps de fricoter avec la girafe (non, ce n’est pas une faute d’inattention), et par la suite de quitter cet ennuyeux Jardin d’Eden pour une vie saine de galérien dans notre monde.

En abordant l’histoire de la Genèse de manière humoristique, Ralf König ne propose pas vraiment un scénario original mais il réussit à y intégrer son univers avec son dessin si particulier et un ton très moderne qui lui est propre. Allant jusqu’à une mise en abîme, soit un parallèle entre la création divine et la création d’une bande dessinée, il pousse ses raisonnements assez loin sans pour autant user de pédanterie et de prétention. On suit avec plaisir les aventures de cet abruti de premier homme dont l’intelligence se développe lentement sous le joug imparable du Créateur. Avec des dialogues bien sentis qui font mouche à tous les coups, il sera impossible au lecteur de ne pas sourire à la lecture de l’ouvrage si ce n’est de rire franchement. Rire est le propre de l’homme, cet animal à deux pattes, sans plumes, et l’auteur l’a bien compris en nous faisant découvrir la naissance de l’humanité par ce biais.