8/10Prince Gédéon - Tome 1 - Trois chewing-gums pour sauver Milena

/ Critique - écrit par gyzmo, le 08/06/2007
Notre verdict : 8/10 - Petit mais Vaillant (Fiche technique)

Tags : pour prince tome gedeon jeunesse albums milena

Alors qu’elle s’apprête à dévorer le plus gros paquet de bonbons de tout le Royaume offert par ses amis à l’occasion de son anniversaire, Milena est emportée dans les cieux par "un gros machin bleu". Ah ! Quelle vilenie (et cruelle infortune, il faut le reconnaître) ! Par la grâce des Dieux, le petit prince Gédéon, aidé de ses chewing-gums magiques, ne laissera pas sa meilleure amie – et aussi son amoureuse un peu mais pas trop – entre les griffes de ce redoutable "gros machin bleu"…

Prince Gédéon
Prince Gédéon
Un preux chevalier à la rescousse de sa jolie princesse, prisonnière d’un puissant dragon : voilà bien l’esquisse d’une intrigue qui n’est pas nouvelle, n’est-ce pas ? En effet, cher à de nombreux contes pour enfants, nous serions même tentés de rajouter que ce type d’entame académique est une valeur sûre pour séduire d’emblée – et sans trop prendre de risques – n’importe quel public en âge de jouer dans les bacs à sable. Cela dit, cette approche analytique serait bien simpliste par rapport à notre Prince Gédéon qui, toutes proportions gardées et à la manière du jubilatoire et irrévérencieux film d’animation Shrek, va enrichir une ancestrale recette avec des ingrédients anachroniques, humoristiques, décalés voire loufoques. Bien que le trait, la coloration ou la mise en page, quant à eux, ne se retrouvent jamais dans la marge, l’ensemble est manié avec un soin remarquable, notamment lors des efficaces gags visuels (multiples et variés) ou aux phases d’action illustrées par de beaux mouvements et cadrages. La structure et l’évolution du récit profitent d’un rythme excellent qui ne se fait pas bouffer par l’ennui. A ce propos, le final arrive bien (trop) vite ! D’autre part, l’opération de sauvetage du petit prince n’est que le fil rouge du périple. Parallèlement à l’intrigue principale, des histoires annexes et complémentaires participent à rendre le monde de Gédéon encore plus sympathique, avec des réseaux sous-jacents enrichissants (et sans doute avant-coureurs de futures rencontres / retrouvailles qui suivront dans les volumes à venir ?).

Prince Gédéon
Prince Gédéon
Mais là où le dessinateur Langlois et le scénariste Millotte tirent leur épingle de la convention, c’est dans le traitement de leurs caractères. Derrière chaque (groupe de) protagoniste - qu’il soit pièce maîtresse ou dernière roue du carrosse – les portraits qui se dessinent révèlent une population tantôt balourde, tantôt siphonnée du ciboulot, ou les deux bien souvent. La plupart ont d’ailleurs une fâcheuse tendance à péter un câble pour des broutilles, ce qui n’est pas le plus mauvais moyens pour forger des situations surréalistes et jubilatoires qui feront mouche plutôt du côté du lecteur rêveur que du liseur terre-à-terre (quoique…). Evidemment, le burlesque est la grande force de ce nouvel univers dont les caricatures amusantes n’ont rien à voir avec une quelconque dérision malintentionnée. Croquant avec un plaisir respectueux l’époque plus ou moins insouciant et impulsif de l’enfance, Langlois et Millotte évitent quelque part le piège du manichéisme en accordant à toutes leurs bébêtes, bons et mauvais côtés. Il ressort de cette philosophie – propre à de nombreux livres et BD jeunesse, il va s’en dire – une certaine empathie rafraîchissante vis-à-vis non seulement des "presque" romanesques, mais également des "pseudo" vilains. Du coup, l’identification a beaucoup plus de facilité à s’épanouir. Mais dans cette recherche d’arrondissement des angles, les auteurs n’oublient pas que c’est de l’imprévisible que repose leur force. Tout n’est donc pas mignon. Les dangers et les tensions ont leur part belle car un conte sans frisson, ce n’est finalement pas bien accrocheur.

Destiné avant tout aux enfants de plus de six ans dans le cadre de la prometteuse collection "Punaise" de Dupuis, le Prince Gédéon saura sans nul doute séduire sa cible qui, avec ce petit héros plein d’audace et de courage (quasi-inconscient, grondera l’adulte trop soucieux), vont se poiler devant les tentaculaires et improbables embûches fomentées par Langlois et Millotte. Les aléas d’ "un gros machin tout bleu", l’inévitable séance de torture revisitée par l’absurde ou l’arme secrète et stridente de la petite Milena m’ont en tout cas bien fait rire. Et si un tel récit sans prétention est parvenu à marquer un brin le grand garçon que je suis, j’imagine alors quel impact aura ce périple facétieux dans l’esprit des beaucoup plus jeunes !


Visuels © Dupuis 2007