9/10Prestige de l'uniforme

/ Critique - écrit par iscarioth, le 02/06/2005
Notre verdict : 9/10 - La névrose du surhomme (Fiche technique)

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Prestige de l'uniforme est l'un de ces albums qui prennnent aux tripes. Malgré un cheminement fantastique, il touche le lecteur par une vision terriblement pessimiste du quotidien et de la vie.

On a eu l'occasion de parler, il y a peu de temps, des super héros à la sauce franco-belge, avec la sortie de Comix Remix. Curieux hasard, à un mois d'intervalle avec l'oeuvre de Bourhis, sort, dans la collection Dupuis Double Expresso, un autre album traitant des surhommes justiciers. Avec Comix Remix, on avait affaire à un microcosme organisé et corrompu. Avec Prestige de l'uniforme, on ne se concentre que sur une seule personnalité, et l'on s'enfonce dans une noirceur nauséeuse...

L'histoire

Paul Forvolino est un chercheur médiocre. Il est spécialisé dans les lichens, végétaux qui résultent de la symbiose entre un champignon et une algue. Sa vie privée est ordinaire, mais chaotique. Son quotidien va se retrouver bouleversé lorsqu'il va renverser par mégarde le contenu d'une éprouvette sur sa main.

« Je suis un héros, ma vie est minable »

C'est bien une impression de nausée qui nous envahit dans les vingt premières pages. Paul Forvolino est chercheur et travaille pour une société pharmaceutique. C'est le business des médicaments qui transparaît. Sous l'impulsion de motivations toutes commerciales, cette industrie fonctionne cyniquement, comme n'importe quelle entreprise pétrolière ou joaillière. La Meta Corp conçoit des médicaments rentables et vendeurs. A côté de cela, les personnes affaiblies par une maladie n'ont chance de survivre que si elles sont fortunées. L'univers familial de Paul n'est pas plus rassurant. L'homme, trop pris par son travail, ne connaît sa fille que quand elle dort, perd peu à peu sa femme et est méprisé par ses amis. Ce n'est plus de la noirceur, c'est encore plus fort que du cynisme, c'est carrément socialement glauque. Le trait rêche et épais de Hugues Micol, tout en agressivité, la coloration basée sur des tons froids, approfondissent le malaise. La grisaille des murs et de la jungle urbaine, le cloisonnement perpétuel, le taylorisme journalier du chercheur... Cette angoisse constante et ce dégoût sont transmis avec violence par le trait agressif de Micol.

Nauséeux

Les personnages sont très fouillés, si bien qu'ils nous sont parfois étranges, inquiétants, dégoûtants, comme cette Rebecca, qui se délecte des souffrances de son mari, jouissant de sa dépendance. Dans cette histoire, notre super héros est avant tout un père de famille. A la lecture de Prestige de l'Uniforme, l'angoisse que l'on ressent est aussi celle de l'avenir incertain. La petite Zoé, symbole de l'enfance innocente, se construit irrémédiablement comme le futur produit désorienté d'un couple instable. Paul Forvolino n'est pas un Superman. Il ne reçoit pas ses pouvoirs comme un don mais comme une malédiction. Comment s'occuper du monde lorsque l'on n'est pas capable de satisfaire les besoins de sa propre famille ? L'homme ne s'affabule pas d'un pseudonyme ridicule, ne trône pas sur le plus haut gratte-ciel de la ville les mains sur les hanches et ne se fabrique pas de super costume. A l'image d'un Peter Parker, Paul Forvolino pense tout d'abord à lui et à son bien être. Il est névrosé et égoïste, il est humain.


Prestige de l'uniforme
est l'un de ces albums qui prennnent aux tripes. Malgré un cheminement fantastique, il touche le lecteur par une vision terriblement pessimiste du quotidien et de la vie. Peut-être bien l'une des surprises de cette année 2005.