9/10Piscine Molitor

/ Critique - écrit par Luz, le 22/06/2009
Notre verdict : 9/10 - Vian(de) fraîche (Fiche technique)

Tags : paris piscine molitor hotel restaurant spa avis

J'ai quitté mon père
Au moment où il découpait ma mère
En petits morceaux
Avec une paire de ciseaux.

C'est avec beaucoup d'envie et d'appréhension que les pages de Piscine Molitor s'ouvrent et se tournent. L'envie d'en savoir plus sur un sacré personnage, et l'appréhension d'être déçu par le support, le parti-pris... On comprend vite qu'il ne fallait pas s'inquiéter : l'album est une réussite totale, fruit de la collaboration d'un Hervé Bourhis toujours très inspiré par les sujets musicaux (Le petit livre rock, Stéréo Club) et d'un Christian Cailleaux remarqué l'an dernier pour l'album R97 chez Casterman.


Alors, le sujet de la BD ? Pour ceux qui ne l'ont pas encore croisée... c'est Boris Vian, chanteur, écrivain, musicien, homme, humain. Le tout sur 39 ans de sa vie, de sa carrière pas encore entamée ni même espérée jusqu'à sa terrible chute. Chut ! Il s'agit d'une biographie bien entendu, aucune fiction là-dedans, même si beaucoup d'entre vous connaîtront son histoire, tâchons de ne pas en dire trop pour les autres.

39 ans à vitesse lumière, sans prendre le temps de respirer, de s'arrêter, le cœur battant très mal au rythme de son génie. Au rythme de son mal d'écrire et de son incapacité à gérer une vie personnelle en marge de ses passions. En s'arrêtant sur cette biographie, les auteurs arrivent enfin à mettre des images, avec un ton réaliste et tendre, sur une époque et sur un milieu plus que difficiles. La peinture de Boris Vian n'est pas toute blanche, on y perçoit aussi tous ses mauvais côtés, son caractère tout en extrêmes, qui a pu le mener jusqu'à la censure de certaines de ses œuvres bien qu'il soit de nos jours reconnu comme un écrivain et chanteur talentueux.

Les dessins de Cailleaux sont surprenants de simplicité, proches de la caricature, et apportent un caractère à la biographie, sans la faire passer au second plan. Peu de détails de décor, Quel goût a le chlore ?
Quel goût a le chlore ?
hors quelques rares exceptions ; les fonds servent l'ambiance, parfois sombres et colorés, et d'autres fois totalement inexistants et blancs. La vie de Boris Vian nous apparaît alors triste, ne laissant entrevoir que par deux fois des ciels bleus, une fois dans son enfance et une fois à l'âge adulte. Quant à la piscine Molitor du titre, elle permet de retrouver au détour d'une page, de façon assez inattendue, l'aspect graphique de la BD Le goût du chlore parue l'an dernier.

Les auteurs ne prennent pas parti, ils n'interviennent pas en modifiant les anecdotes, que ce soit dans la scène de tribunal ou lors des soirées. En découvrant la dernière page, on ne peut ressentir que la même tristesse et la même angoisse qu'à la première, concernant le destin tragique du personnage, toute en poésie et en douceur. Un homme qui, grâce à son « manque de charisme », aura amené d'autres grands à émerger (Gainsbourg, ...) avant de lui-même réellement émerger post-mortem sous des airs de « Fais-moi mal Johnny Johnny Johnny, envole-moi au ciel, Zoum ! »...