9/10Le Petit bleu de la côte ouest

/ Critique - écrit par iscarioth, le 11/09/2005
Notre verdict : 9/10 - Divine fusion (Fiche technique)

Les auteurs

Avec Le Petit bleu de la côte ouest, Tardi adapte un polar. Et ce n'est pas sa première adaptation, ni son premier polar. L'auteur vient juste de finir son aventure en quatre tomes, Le Cri du Peuple, adapté du texte de Jean Vautrin. Son plus gros succès reste la série des Nestor Burma. Manchette est mort depuis dix ans. Il a révolutionné le roman noir dans les années soixante dix. Il a été désigné comme chef de file de ce que l'on a appelé le « néo-polar », un terme qui renvoyait à la mort du genre policier « classique ». Les deux hommes se sont rencontrés dans ces mêmes années soixante-dix et ont exposé leur vision commune très noire de cette époque dans la bande dessinée Griffu.

L'histoire

Georges Gerfaud, cadre et père de famille mal dans sa peau, est témoin d'une course poursuite sur une route nationale. Il porte secours à un homme, pris dans l'accident de l'une des deux voitures, et le dépose à l'hôpital. Depuis ce jour, il est poursuivit par deux tueurs voulant lui faire la peau...

Anti-héros

Comme dans Griffu, le personnage principal présenté ici est loin d'être un « héros », au sens propre du terme. Georges Gerfaud incarne ce que l'on a appelé « le malaise des cadres ». Bien placé, en tant que cadre d'entreprise, il noie son ennui dans l'alcool et dans la vitesse au volant de sa Mercedes. D'où le terme de polar social. A travers un scénario de course-poursuite, de thriller, de road-movie, le lecteur perçoit toute la noirceur d'une époque, pas si enchantée qu'on ne le pense... L'album est d'ailleurs truffé de références musicales, filmiques et d'actualités de ces années post-révolutionnaires...

Un roman noir, très noir

Le petit bleu de la côte ouest est un espèce de grand flash back. Soixante dix pages en noir et blanc entre une introduction et une conclusion identiques en blanc et noir. La tonalité de l'album est extrêmement pessimiste. Georges Gerfaud, même après avoir échappé à la mort, même après avoir vécu oublié et en retrait, doit se résigner à revenir au quotidien et ne reprend à aucun moment goût à la vie. La bande dessinée commence par un événement anecdotique bien que particulier. Elle se transforme ensuite en course-poursuite, en road movie et en survival. Un véritable tourbillon.

Une adaptation fidèle

L'adaptation que fait Tardi du polar de Manchette est très littérale. Alors que le dessinateur a réécrit, avec ses précédents ouvrages, les textes de Vautrin et de Malet, il a ici transposé des pans entiers du roman de Manchette. « J'ai essayé de conserver le plus possible de son texte sans le modifier parce qu'il est très précis, presque clinique » nous rapporte Tardi. La narration, très présente sur cet album, est incisive, fait vraiment froid dans le dos... On la sent complexe et explosive, et on la dicte dans sa tête avec une voix froide, comme celle que l'on entend dans les films de Gaspar Noé. Une impression terrorisante de noirceur extrême, déjà présente dans le texte de Manchette mais élevé par le noir et blanc glacial de Tardi, qui a déjà si souvent fait ses preuves par le passé.