8.5/10Perle Blanche - Tome 1 - Filles du Vaudou

/ Critique - écrit par athanagor, le 15/11/2009
Notre verdict : 8.5/10 - Mais qu’est-ce tu vaudoudou, dis donc ? (Fiche technique)

Tags : tome blanche quete perle afrique baldetti laurence

Première réalisation d'une dessinatrice de talent, et troisième d'un auteur pour le coup très inspiré, cet album transporte le lecteur sous des latitudes inattendues.

Non, cet album n'est pas un traité simplifié de gynécologie où se serait glissée une faute de frappe. Et la paire de fesses extrêmement bien mise en avant sur la couverture, par le trait inspiré de Laurence Baldetti, appartient à l'une des deux héroïnes, dont les deux prénoms forment le titre de la série. Quoiqu'en fait de série, il s'agit plutôt d'un diptyque, ce que la lecture du premier tome révèle et laisse regretter, tant le moment fut agréable. Agréable non pas par les seules représentations de ces corps souples et juvéniles s'exprimant avec fougue dans les affrontements incessants que leur impose l'action de l'ouvrage,
ponctués par quelques rares moments de poses lascives sous un soleil africain propice au développement des intentions les plus moites, mais bien par l'histoire elle-même, son originalité et son développement.

C'est sous une domination britannique des côtes béninoises et leurs incessants efforts pour fournir à la couronne des esclaves pour fortifier ses colonies que se situe cette aventure. Ni plus ni moins qu'une histoire de pirates au grand cœur, façon Robin des Bois, les aventures de ces deux filles, Blanche la noire et Perle la blanche, gagne énormément d'intérêt dans cet environnement si particulier et si rare, faisant fi des traditionnels abordages en mer des Caraïbes. Ainsi, la majeure partie du récit se déroule à terre et les pirates n'ont pour tout bateau qu'une barque qui leur permet de s'attaquer aux navires négriers qui s'approchent des côtes pour leur funeste commerce. Le reste de leur guérilla consiste à libérer ponctuellement les chaînes d'esclaves et à mettre en échec les razzias britanniques sur les villages, pour dénicher de la main d'œuvre. Lors de ces affrontements, principalement menés par les deux furies évoquées plus haut, les manifestations magiques invoquées par leur Mama et sa science du vaudou, accompagnent les luttes libératrices. Présenté ici comme une force positive, le vaudou prend le poids d'un intervenant sérieux et essentiel dans les batailles, quasiment un personnage supplémentaire. Pourtant, cette magie ne devient jamais si importante qu'elle force à faire abstraction des acteurs et de la portée humaine du récit. Malgré l'intervention du jeune et beau scientifique, dont le seul but est de prouver par la science que la magie n'existe pas, et l'accent que sa présence met sur l'existence du vaudou dans l'ouvrage, la magie demeure un accessoire, utile à la réalisation des plans tendant à déjouer les entreprises esclavagistes, rien de plus. Restant bien sagement un élément de décor, l'évocation de la magie ne fait donc pas basculer l'histoire dans un style fantastique.
Reste alors un propos plus terre à terre, à la morale claire sur le principe d'une opposition classique entre les faibles, dont les actions sont légitimes, et les forts, dont les agissements sont légaux. Le tout est déroulé avec talent dans une fresque animée et humoristique, où les tableaux s'enchaînent avec clarté et où l'espace est suffisamment bien géré pour que les 48 pages offrent assez de temps à un développement tranquille de l'histoire.

Pour couronner l'intéressante fraîcheur que confère à cette BD son environnement, on a droit à une bonne surprise : l'illustration de Laurence Baldetti. Structuré et abouti, son dessin présente quelques échos maniéristes dans les ports de tête et plus généralement les postures, offrant à l'ensemble une sorte de prise sur le vif des attitudes exposées. Très caricatural, tendance piège à touriste, le trait propose une galerie de personnages dont les visages ne sont jamais vraiment beaux, ni laids. Sur ce même principe caricatural, les corps sont soit trop gros pour être mobile, soit trop élancés pour être vrais. Ainsi, se crée un jeu de va-et-vient entre l'intégration et le refus des canons, qui finit par proposer une solution optimale. D'un côté les personnages sont identifiés comme étant crédibles et de l'autre, leur corpulence met l'accent sur leurs déplacements et favorise le dynamisme de l'ouvrage.

Jouissant d'une excellente illustration, cet album se démarque surtout par l'histoire que Sébastien Floc'h tricote autour de pirates libérateurs dans une Afrique colonisée. L'idée d'utiliser ce pan de l'Histoire et d'en faire un récit d'aventure de ce calibre est aussi bonne que surprenante. De plus, l'utilisation du vaudou permet de relier avec une certaine logique Afrique et piraterie, et finit par donner un ouvrage d'une grande cohérence. On ne regrettera que cette petite phrase en fin d'ouvrage, nous annonçant que le prochain tome portera la suite et la fin de l'aventure, en en laissant craindre une résolution un peu rapide, alors que ce premier opus nous met l'eau à la bouche pour au moins cinq livres, avec des raisons de croire que la matière y serait suffisante.