8.5/10Page noire

/ Critique - écrit par plienard, le 03/09/2010
Notre verdict : 8.5/10 - Afia, f’est bien… (Fiche technique)

Tags : page noire thiefaine hubert album felix histoire

Une critique littéraire parvient à obtenir l'adresse supposée de l'auteur du moment, le nouvel Hemingway en puissance. Et comme il se cache des médias, il va falloir la jouer fine !

Il est quelquefois difficile de faire le résumé d'un album et de ne pas en gâcher l'intrigue. C'est un peu le cas ici. D'autant qu'il serait dommage de vous priver du plaisir que j'ai, moi-même, eu à découvrir l'histoire.


Qu'est-ce qu'une page noire ? C'est généralement une époque tourmentée, un moment difficile où on n'est pas fier de ses actes ou un moment qui provoque de trop mauvais souvenirs. On cherche alors à tourner cette page de sa vie à tout prix. Et c'est un peu ce que les personnages de cet album cherchent à faire.

Kerry Stevens est une journaliste, plus précisément critique littéraire, qui a sa petite renommée. Mais afin d'asseoir sa réputation, elle cherche à obtenir l'interview de Carson Mc Neal, l'écrivain du moment, par son talent et surtout le mystère qui l'entoure. Personne ne l'a jamais vu, sauf peut-être deux ou trois personnes de sa maison d'édition. Kerry va alors imaginer un astucieux stratagème pour obtenir une adresse. Mais est-ce la bonne ?

Afia Maadour sort de prison. Ancienne junkie, d'origine libanaise, elle tente de s'en sortir mais ce n'est pas facile. Pourtant, un éducateur pénitentiaire va lui tendre la main et l'empêcher de replonger dans la drogue. Mais tous ses problèmes ne sont pas pour autant résolus. Un traumatisme lié à son enfance et à la guerre au Liban, la hante. Mais quel est-il ?

Deux histoires pour un album. Frank Giroud a écrit le récit de  Kerry et Denis Lapière celui d'Afia. Au final, les deux histoires se réunissent. Les deux auteurs se sont associés pour nous livrer une histoire originale (notamment par son traitement). Comme les deux récits sont liés, le plaisir est de découvrir pourquoi et comment. Et les auteurs se font un malin plaisir à nous emmener sur de fausses pistes. Si bien, qu'à la moitié de l'album, vous ne savez plus quelle est la réalité et quelle est la fiction. Il vous faudra avoir lu (comme je l'ai fait) les trois quarts de l'album avant d'avoir la réponse. Mais, même si vous avez cette réponse, ce n'est pas pour autant que vous avez toutes les réponses. Et comme vous ne pourrez pas vous arrêter de lire avant la fin ...


Deux scénaristes (de renom) mais un seul dessinateur : Ralph Meyer (la série IAN avec Fabien Vehlmann et la Mangouste dans la collection XIII-Mystery) nous présente une autre, pardon deux autres facettes de son talent. Car le bougre n'a pas hésité à changer son style, qui était « plutôt dans le genre du réalisme graphique à la Jean Giraud ». Mais en plus, il a traité les deux histoires de manières différentes, ce qui se devine déjà dans la couverture. Il a ainsi « combiner deux traitements graphiques différents ». Un premier style simple et épuré qui rappelle le style que l'on retrouve dans les romans graphiques américains avec une prédominance de la couleur bleue qui adoucit le tout. Et cela marche rudement bien, vu que ce style traite de l'histoire de Kerry, qui se déroule en Amérique et en partie à New York. Le second style est graphiquement plus dessiné, fait à la peinture (si je ne me trompe pas). Les cases ressemblent plus à des tableaux et les couleurs ont une prédominance de marron ce qui donne une impression un peu irréelle, voire ancienne. Puis les deux styles viennent se marier de façon harmonieuse. Sans nul doute, le travail du dessinateur a dû être jouissif.

Associez deux auteurs de grande classe et un dessinateur qui s'éclate, et vous obtenez un petit chef d'œuvre. Ou quand l'excellence rejoint le talent. La meilleure chose à faire est de remercier Futuropolis (l'éditeur) de permettre qu'une telle œuvre soit possible. D'autant que la qualité n'est pas seulement chez les auteurs, elle est aussi dans le support, avec une couverture et un papier de grande qualité.