8/10L'Ordre des Dragons - Tome 2 - Le Mont Moïse

/ Critique - écrit par athanagor, le 04/03/2009
Notre verdict : 8/10 - Nazymuté (Fiche technique)

Poursuivant le très bon travail du tome 1, les auteurs produisent un nouvel album d'une très bonne tenue, et malgré le peu de révélations, on en veut encore et encore.

En 1942, le Professeur Schäfer, que l'on voyait déjà au tout début du tome 1, mène une troupe nazie jusqu'au monastère Sainte-Catherine, au pied du Mont
Sinaï. Mandaté par le Führer et accompagné de Mlle Fulci, belle italienne au cœur de pierre, il organise les recherches sur les flancs du mont, et se montre très avare d'explications quand il s'agit de renseigner l'oberleutnant Weitland sur le but de leur présence en ces lieux. Celui-ci, chargé d'assurer la sécurité du chercheur et commandant officiellement l'aspect militaire de l'expédition, n'est pas un idéologiste. Comme Rommel, il est avant tout un soldat et il ne comprend pas très bien en quoi sa présence ici, loin des champs de bataille, pourra favoriser le Reich. Il s'agit d'ailleurs là d'une occasion supplémentaire de le conforter dans son opinion que le chef actuel de l'Allemagne est un fou conseillé par des fous. Mais bon... c'est un soldat, il obéit ! Quoique ça aussi, ça commence à sérieusement le gonfler, d'autant que Herr Schäfer le prend un peu pour un blaireau et admet lui cacher volontairement le but de l'expédition. Cerise sur le gâteau, le convoi comprend un camion dont le chargement est top-secret, protégé par une troupe dont seul le professeur a le contrôle. Ce camion, personne ne peut en approcher, même pas Schäffer. C'en est trop ! Il n'a pas intégré l'Afrikakorps pour faire le baby-sitter d'un professeur hautain et suffisant, et si sa carrière, voire même la sécurité de ses hommes doit être engagée, il doit savoir pourquoi. Pénétrant malgré l'interdiction dans la chambre de Schäfer, il découvre une panoplie de théories ridicules et de suspicions ésotériques sur des sociétés secrètes et des mondes perdus. Au milieu de tout cela un nom ressort très nettement, celui d'Eva Wilson.

Dans la lancée du tome 1, mais dans une veine narrative totalement différente, Istin,
Rodier et Jacquemoire proposent ce deuxième volet de L'Ordre des Dragons. Alors que le premier tome suivait principalement les péripéties d'Eva Wilson dans le centre et la périphérie de Berlin en 1933, semblant nous trimballer d'un lieu à un autre, ce tome recentre sont unité géographique autour du Mont Sinaï, en suivant néanmoins les points de vue parallèles de deux personnages, Schäfer et Weitland, jusqu'à une fin conjointe. On reste pourtant sur la même histoire, se prolongeant neuf années après la fin du premier tome et, outre l'identité imprimée par les auteurs, on retrouve le même système d'ouverture de l'ouvrage par une histoire d'introduction sur 4 ou 5 pages, qui s'imbriquera sans aucun doute, dans la totalité de l'histoire une fois la série complétée.

Continuant le bon travail d'exploitation des diverses théories ésotériques développés par les mystiques des 18e et 19e siècle, et attribuant (comme c'est souvent le cas) au motivations nazies la découverte d'artefacts païens et de civilisations perdues, les auteurs parviennent à ficeler un nouvel album remarquable, et il faut voir là le talent du trio. En effet, le point de départ de l'intrigue et sa situation historique pourrait d'emblée classer l'ouvrage dans la catégorie des BD essoufflées, qui ne savent plus trop quoi dire et se tournent vers le mysticisme nazi pour raconter quelqu
e chose... n'importe quoi. Un tel ouvrage se retrouverait vite dans la poubelle des grands magasins, délaissé même par le glaneurs, qui lui préféreraient un bon Télé 7 jours. Pourtant le truc fonctionne, et plus que le très bon travail de
Denis Rodier et de l'excellente Elodie Jacquemoire (qui, nous ne le dirons jamais assez, mérite toujours d'avoir son nom sur la couverture), c'est une fois encore Jean-Luc Istin qui remporte le morceau. Hormis le très bon travail de synthèse des théories mystiques et géologiques (et surtout celle de la terre creuse, qui permet de donner corps aux enfers) et de leur installation dans l'intrigue, c'est le découpage de celle-ci, sa mise en œuvre et son déroulement qui fascine. Au final, on ne nous balance que quelques miettes de pains et on nous abandonne à nouveau, tout chancelant, sur un cliffhanger des familles, mais loin de fatiguer et de faire sentir qu'on se fout de nous, on nous pousse à en réclamer encore et toujours plus, tant tout ce qui a précédé a su nous tenir en haleine.

Grâce à ce savoir-faire, le trio est bien parti pour produire une série mémorable dont on relira encore et encore les divers opus, jusqu'à une fin qui ne sera jamais appréciée à sa juste valeur, par le seul fait de sa nature.