7/10Nouveau Monde - Tome 1 - Emie

/ Critique - écrit par athanagor, le 01/01/2011
Notre verdict : 7/10 - Colon, soit puissant ou misérable (Fiche technique)

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Sur le modèle des romans d'aventure de la conquête de l'Amérique, les auteurs brodent une histoire palpitante et dangereuse, qu'on parcourt avec un réel plaisir.

A la faveur d'une mutinerie sur le Bristol, navire anglais faisant route vers l'Amérique, Emie se retrouve à la tête d'une troupe disparate mais de mauvaise vie. Débarquée au nord de Boston, elle va les conduire dans les méandres de cette nouvelle terre, rendue dangereuse par le conflit qui oppose anglais et français, auxquels ont été annexées des tribus indiennes. Mais s'il n'y avait que cela, les choses seraient plus simples. En effet, le capitaine du Bristol a pu regagner la terre ferme et il n'a qu'une envie, laver l'affront fait à son honneur d'officier de la couronne, et peu de choses semblent capables de l'en empêcher. Mais en face, il y a la détermination d'Emie, qui elle n'a qu'un seul but : retrouver ses enfants.

Par delà l'originalité relative d'un récit qui traite des prémices de la guerre de sept ans en Amérique sans en faire le principal sujet, et s'intére
sse à ceux qui, en périphérie du conflit, n'en subissent que des effets périphériques, on est surtout frappé par la crudité du traitement. D'emblée, la violence s'installe et s'exprime d'une façon d'autant plus surprenante qu'elle émane, sans crier gare, d'un personnage qu'on ne pouvait soupçonner en être capable. On est immédiatement mis au pied du mur de cette réalité brutale qu'il faudra croire être un impératif de la vie des premiers colons américains. Aussitôt le parallèle se fait avec Le dernier des Mohicans dont le romantisme (à ne pas confondre avec la romance) s'exprime principalement par des coups de gourdin dans la tronche, assaisonnés de tonsures radicales. Les grands espaces, la beauté de la nature, les valeurs chevaleresques, sont le pendant d'une réalité moins glorieuse, qui tache les vêtements. Cette violence n'est donc pas là pour faire jolie ou pour donner du style, elle est là comme le rappel d'une réalité féroce dans un nouveau monde en proie à toutes les convoitises.

Le dessin parvient à merveille à sublimer la grandeur des décors, la majesté des espaces et la violence des comportements, immergeant sans concession un lecteur accaparé par une histoire fascinante. Cette fascination vient bien évidemment du fait que cette période, dans ce coin du monde n'est pas vierge de référence, et si nous parlions de Cooper, London semble aussi faire partie des réminiscences que suscite l'ouvrage. Qu'elle y puise sciemment ou pas ses racines,
une chose est sûr, cette BD ne démérite pas et parvient à accrocher le lecteur de page en page, le poussant à vouloir connaître la suite des pérégrinations de son héroïne.

Il y aura pourtant des éléments à soulever allant à l'encontre d'un enthousiasme total. Premièrement, les passages narrant la prise de pouvoir sur le Bristol tentent de ponctuer l'aventure présente en nous en expliquant la genèse. Mais ces passages sont trop éparpillés et un peu brouillon. Ainsi, il devient difficile pour le lecteur d'articuler ces différents flash-backs en un construit suffisamment cohérent pour qu'il en émane une réelle valeur explicative en regard du récit. Deuxièmement, et en écho du premier point, les multiples personnages qui sont censés nous être familier grâce à ces flash-backs, ne sont de fait pas bien identifier. On se retrouve alors parfois à ce demander où est Charlie, vu que de toute évidence ce n'est pas celui que l'on avait identifié comme tel un peu plus tôt.

Ratant un peu son développement en faillant à asseoir son introduction d'une manière intelligible, l'ouvrage n'en reste pas moins une aventure aux senteurs de pin et de poudre, où les descentes de rapides succèdent aux embuscades en forêt. Dans cette atmosphère sauvage et enivrante, les auteurs parviennent tout de même à ficeler les débuts d'une bonne BD d'aventure.