Nocturnes rouges - Tome 6 - Par-delà la haine
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 09/07/2009 (Tags : eur tome rouges nocturnes haine livre jeux
La suite des aventures de la tueuse de vampire qui cicatrise le moins vite et qui a un sérieux pète au casque, dans ce deuxième opus dessiné par le jeune Looky, laisse un léger goût amer.
Envahie par les forces d'Aghiis, secondées par les terribles succubes, Terra-Nova tombe. La protection que la cité offrait en annihilant les forces magiques semble inefficace face à l'émergence du golem, immense créature faite de terre (comme de juste) que les assiégeants ont pu invoquer. Dans le chaos et la déroute, face à l'urgence que représente le sauvetage de Lucia, May accepte de ne pas achever Elijah. Toutes les compétences seront nécessaires pour s'échapper de ce bourbier, et toutes seront en effet mises à l'épreuve, jusqu'à la fin de cette journée.
Le souhait formulé, à la fermeture du tome 5, de voir se prolonger dans les tomes suivants la magie et le dynamisme que l'on y trouvait, se trouve u
n tantinet déçu. Quoique toujours échevelé et dans une urgence rare, quelque chose a changé, quelque chose de gênant. Et ce quelque chose se loge dans le trait du jeune dessinateur. Impossible de dire si l'assurance acquise par l'expérience du précédent volume lui a fait baisser sa garde, ou même de savoir si Nhieu ne s'occupe plus de story-boarder au quart de poil son récit, laissant Looky seul maître de l'enchaînement graphique, mais quelque chose a changé. Ce trait tant loué l'année dernière, ne passe plus avec la même facilité, et à comparer les deux albums, le sentiment est confirmé par l'observation. A certains moments, moins net dans ses contours, il appuie sur un encrage épais. D'autres fois, les traits se font plus fins et laissent, plus qu'une impression de vouloir donner au dessin une identité collant à l'atmosphère du récit, une drôle d'impression de vite-fait. N'étaient que ces aspects, qui teintent déjà l'impression générale de la lecture au moins aussi désagréablement que le travail du tome précédent le faisant dans un sens positif, l'exposition de l'action est parfois difficile à suivre et hache le rythme de lecture, qui nécessite ici d'être menée tambour battant, parallèlement à la sauvagerie et la brutalité du propos. Le tome 5 parvenait pourtant à nous entraîner avec une folie aboutie au travers des détails furtifs d'une bataille dantesque, sans perdre jamais de vue sa mission : ne pas lâcher la main du lecteur. Ici, ce dernier doit fréquemment s'arrêter pour revoir ce qui s'est passé dans l'action et pour repérer dans l'image qui fait quoi et quand.
Pourtant l'histoire, qui une fois de plus, est loin d'offrir le développement d'un roman russe, ne relatant qu'une demi-journée, continue mystérieusement de captiver. En premier lieu, la faute en incombe à l'exposition appuyée de cet univers enchanteur et poétique qui abrite une violence sourde. Inspiré par des thèmes ancestraux comme peuvent l'être les vampires, les succubes ou les golems, il présente également des
objets faisant références à des apparitions plus récentes, comme cette oiseau messager dissimulé dans l'air d'une flûte. Ces éléments séduisants et dangereux se marient avec bonheur dans le fourbi d'inspiration steampunk-gallo-romantico-médiévale, qui réussit, malgré toutes les probabilités, à créer sa propre cohérence.
Une seconde piste se fait jour dans la présentation subtile et séquentielle des personnages auxiliaires, qui sortent tour à tour de la médiocrité à laquelle semblait les promettre leurs premières apparitions. Pour l'occasion, Otiis le magicien masqué, aux allures de side-kick jarjarbinksé dans l'album précédent, prend tout d'un coup d'une façon surprenante et étrangement logique, une importance qui réveille l'intérêt, non seulement autour de sa personne, mais également autour du faisceau relationnel et potentiel qui se tisse entre les protagonistes. C'est d'ailleurs un élément déjà présent et très intéressant qui perçait dans le tome précédent, que cette capacité que recèlent les personnages de ne pas être ce qu'ils semblent ou ce que les canons dictent. Et cet élément émane avec tant de naturel de ce contexte par la présence des vampires : la double assise de leur personnalité, du fait même de leur nature, est encore ici renforcée par une disposition particulière qui consiste à présenter leur nouvelle recrue comme des hôtes dans lesquels s'opère un combat entre les âmes pour la possession du corps.
C'est donc sur une duplicité à tous les niveaux que continue de se bâtir l'histoire de ce monde, qui malgré un certain regret concernant le dessin, continue de passionner par son esthétisme intrinsèque et sa mythologie.