Mona Street
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 04/12/2011 (Tags : mona street eur frollo leone avis livraison
Un bel ouvrage réunissant finesse, érotisme et humour. La belle Mona est un personnage intéressant qui exulte sous la plume d'un des maître de l'érotisme italien.
Mona Street est une jeune fille bien sous tous rapports. D’une élégance proche de la Comtesse Anna de Noailles, à la fois à la pointe de la modernité et inscrite dans son siècle, elle évolue aisément dans un riche milieu social. Jeune américaine à peine sortie de l’Université de Boston, elle est une sorte de Gatsby le Magnifique au féminin, avec un passé mystérieux qui se dévoile au fur et à mesure de la lecture. En effet, Mona n’est pas la jeune fille délicate et de bonne famille que tout le monde imagine, et en connaît beaucoup plus sur les choses du sexe que ses amies soit disant libertines.
On apprend alors que sous son masque à la fois glacé et mutin, Mona a
Mona jouant l'ingénueparcouru les bordels à travers le monde malgré son jeune âge, qu’elle a pris le pouvoir sur la directrice lesbienne de son internat ou encore qu’elle a démantelé un réseau de vénitiens cagoulés appréciant les châtiments corporels. Ce qui est intéressant c’est la perversité délicate de Mona qui prend un réel plaisir à se faire passer pour une novice, voire une pucelle, laissant croire à ses interlocuteurs que ce sont eux qui mènent la danse alors qu’il n’en est rien. Cette fausse ingénue au sourire énigmatique s’amuse au dépend de ses congénères et ses badineries osées entraînent le lecteur dans une sexualité subtile entre le jeu et le morbide.
Le dessin n’est pas toujours égal notamment par l’emploi de différentes techniques. Alors que certaines histoires ont été retravaillées à l’encre, la plupart restent sous la forme de crayonnés bien que très aboutis. Curieusement, ce sont ces derniers qui ont le plus de charme. Alors que le travail à l’encre ancre le dessin dans un style très Fumetti bas de gamme des années 60 et tout ce que cela comporte de ringardise, les crayonnés apportent une touche de glamour et d’évanescence qui se marie parfaitement avec le ton badin de l’album. Ce dessin léger comme une crinoline entraîne d’autant plus le lecteur
Punition au pensionnat en une époque révolue et fantasmée de luxe et de langueur et si ce n’est l’érotisme, ils pourraient illustrer des textes de Thomas Mann. De plus, il permet de faire passer plus facilement des scènes quand même assez hard car si Mona Street et malicieuse elle est aussi extrêmement dévergondée.
Ainsi Mona Street pourra ravir un public varié, aussi bien en attente d’un érotisme diffus que de scènes fétichistes ou carrément pornographiques mais toujours dans une progression lente suscitant l’excitation du lecteur. De plus elle reste un personnage attachant au regard envoutant souvent tourné vers lecteur qu’elle invite sans complexe dans son monde. Même si certains clichés sont présents comme l’internat de jeune fille, haut lieu de fantasmes, l’humour de l’auteur et la manière qu’il a de détourner ces mêmes clichés permet une nouvelle lecture et plus de fantaisie dans un univers pourtant extrêmement codifié. D’où au final un album dans lequel on se sent à l’aise de part une facture classique mais aussi où l’on peut y découvrir une certaine modernité qui empêche l’ennui.
Mona Street aussi bien dans le dessin que dans le scénario est une jeune personne attachante qui sait jouer et jouir de ses charmes et il n’est pas surprenant que cette héroïne ait eu le succès qu’elle mérite. Leone Frollo a su prouver qu’il était un maître du genre comme on avait pu le redécouvrir récemment dans Casino, avec un style reconnaissable et toujours ce regard à la fois ironique et bienveillant sur une sexualité épanouie et joueuse.