7.5/10Marie des Dragons - Tome 1 - Armance

/ Critique - écrit par athanagor, le 05/11/2009
Notre verdict : 7.5/10 - Femme de foyer (Fiche technique)

Tags : marie dragons eur ange armance demarez tome

Après une collaboration somme toute assez médiocre, ce trio d'auteurs repart d'un bon pied sur une histoire sensiblement équivalente, pour un résultat bien plus encourageant.

Avant, la collaboration entre ANGE et Démarez, c'était le tome 7 de la Geste des chevaliers dragons, histoire molle et peu attrayante, à la lenteur endémique, aux développements rares et à la conclusion bâclée.
Cet ouvrage qui s'était vu offrir les honneurs d'emplacement publicitaires aussi notables et convoités que des tranches de verrière de bar-tabac et des culs-de-bus, souffrait d'un vrai manque d'intérêt, communiqué par une histoire très en surface et un dessin à la limite du supportable. Evidemment, dans ce cas de figure, celui d'une médiocrité émanant de la symbiose texte/dessin, les coupables désignés étaient les scénaristes, briscards de la discipline, qui semblaient n'avoir, pour l'occasion, que cachetonné. Pourtant, le principal frein à la lecture était bien du fait de Démarez, sur qui il était alors difficile de faire peser tout le poids de la déception, étant un illustrateur au nombre de réalisations bien plus modeste. Mais tout ça c'était avant. Aujourd'hui, le trio a décidé de se mordiller la lèvre ou d'y poser la langue, en signe d'application extrême, au moment où leurs crayons touchent le papier pour servir ce travail. C'est du moins le cas pour ce premier tome.

Franchement inspiré de toute la mythologie et l'iconographie déjà développées sur la Geste, les scénaristes se fendent ici d'un scénario qui nous en promet, et arrive à se Femme à poigne
Femme à poigne
vendre comme l'initiation d'une histoire bien ficelée et captivante. Suivant les pérégrinations d'une jeune fille guerrière dans une France médiévale étrangement méconnaissable, ils rattachent progressivement au récit les personnages qui finiront par constituer la caste autour de laquelle il se développera. Ces derniers, non content d'être présentés avec fluidité, démontrent des attitudes et des comportements qui dénotent une psychologie travaillée et des liens relationnels compliqués, très convaincants. Loin de la sotte exposition fade du héros qui tatane avec style, les trois personnages principaux se débattent avec leurs doutes et leurs convictions, complexité qu'on rencontrait déjà dans le tome 8 de la Geste. Cette histoire vaste et active, sur fond de surnaturel et dotée de personnages creusés aux relations fouillées, jouit également d'un environnement qui, bien que familier, s'avère tout aussi étrange et complexe. Ce locus, et c'est un autre point positif, évolue au cours du récit, au-delà de la seule explication apparente distillée par la narration. Ainsi, des indices, plus ou moins gros, susurrent une réalité complexe, à la hauteur des personnalités en présence.

Mais tout ceci ne resterait qu'une sinistre pantalonnade dénuée d'intérêt si le dessin de Démarez, avec la réelle semblance d'un travail abouti, ne venait fortifier le confort de lecture. Plus inspiré, plus fluide, plus convaincant que lors Femme de cœur
Femme de cœur
de sa dernière réalisation, il propose un trait expressif, capable, par la seule orientation d'un coup de crayon, de faire ressentir toute la panique dans le regard d'une gamine esseulée. Démarez, malgré quelques ratés anatomiques, offre un boulot de très bonne facture, avec l'aide précieuse de Nicolas Bastide, aux couleurs subtiles et nuancées. Dans le choix des postures, dans la fluidité des mouvements, dans un mélange de détails et d'à-peu-près sur les éléments du décor, l'illustration donne crédibilité et dynamisme à l'ensemble, dans une veine esthétique qui rappelle furieusement Rosinski.

On est plongé dans les aventures, les intrigues et les intentions par le subtil mélange narratif que parviennent à obtenir les auteurs, agrémenté par les insinuations qui finissent par expliquer, comme par intuitions, des éléments du récit. Il faut donc admettre qu'avec cette histoire, construite et développée, s'étalant sur plusieurs périodes, en plusieurs lieux et sur plusieurs personnages, avec des nuances de propos savamment dosées et une illustration saisissante, ANGE et Démarez lâchent une perle dans le monde de la BD. Souhaitons-leur qu'elle fasse du bruit.