5/10Lucien - 25 piges

/ Critique - écrit par iscarioth, le 29/01/2005
Notre verdict : 5/10 - Remake (Fiche technique)

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Lucien, 25 piges est un hommage sympathique, qui, espérons-le, aura touché Frank Margerin, mais qui s'avère être une assez grosse déception pour les fans de la série.

Il y a vingt-cinq ans naissait l'un des personnages les plus populaires de la BD française : Lucien. Créé par Frank Margerin en 1979 pour un numéro "spécial rock" du journal Métal Hurlant, le célèbre gaffeur-rocker au gros nez et à la banane a, depuis, fait son petit bonhomme de chemin. Il a marqué toute une génération, celle des années quatre-vingt, avant de se faire plus discret, fin des années 1990. Depuis Week-end Motard, sorti en 2000, c'est le calme plat du coté de Malakoff. Pendant ces cinq dernières années, Frank Margerin a mit de coté son personnage fétiche pour se consacrer à Momo le coursier, son nouveau anti-héros de l'ordinaire. Presque cinq années d'absence... C'est dire si le retour de Lucien était attendu ! La sortie annoncée d'un nouvel album, fin 2004 a beaucoup enthousiasmé... Seulement, voilà ! Cet album n'est pas une nouvelle aventure de notre gentil rocker signée Margerin, mais un ouvrage collectif en hommage au personnage !

Lucien, c'est qui ?

Comment expliquer Lucien à ceux qui ne le connaissent pas ? Le concept de cette série BD est simple : faire rire de l'ordinaire. Vous pouvez scruter chaque page des huit tomes de la série Lucien : pas d'invasions extra-terrestre (à part, peut-être dans le délire margerinesque de Bananes Métalliques), pas de complot international, pas de combats épiques... Il s'agit juste de l'histoire de la vie de Lucien, petit banlieusard ordinaire, et de sa bande de copains. Virées en voiture, fêtes foireuses, concerts, engueulades, galères... Des choses que l'on a tous connu dans notre vie et qui sont réanimées par le crayon d'un Margerin sarcastique et rieur. « Pour la première fois je racontai des choses vécues et non pas des fictions comme j'en avais l'habitude » raconte le dessinateur dans l'introduction de l'album, en se souvenant des débuts de Lucien.

Des détails qui ne trompent pas

En ouvrant 25 piges, on tombe nez à nez avec des illustrations alléchantes : Lucien redessiné par d'illustres auteurs comme Arno, Swolfs, Ptiluc, Moebius, Dupuy et Berberian. Un en-tête assez trompeur, à vrai dire, car les dessinateurs ayant réellement oeuvré pour cet hommage et dont les planches font partie des 48 pages que forment cet album sont beaucoup moins populaires. Quant on sait que l'attrait principal de cet album-hommage est de voir Lucien réimaginé par d'autres dessinateurs, on est assez déçu du fait que, mis à part Zep, aucune grosse pointure de la BD n'est venue se mêler au projet, contrairement à ce que l'en-tête de l'album laisse sous-entendre. Ceci dit, en se plongeant dans cet album anniversaire, on peut constater qu'il n'y a pas eu tricherie. Tous les auteurs ayant participé à l'élaboration de l'album ont une parfaite connaissance de l'univers de Lucien. L'épisode Lucien, peintre moderne de Cornette et Riff rend bien hommage aux cases à gags multiples, si chères à Margerin. La surprise de Nanard (Davis et Frissen) et Cosmik Lucien (Julien et Mo/cdm) sont deux épisodes qui présentent la maison de Ricky et Gillou exactement comme l'avait créée Margerin pour Lulu s'maque. Et dans toutes les versions proposées, les personnalités de Lucien, Ricky, Gillou et Nanard sont bien respectées même si l'on verse parfois dans la sur-caricature. On peut toutefois, à ce niveau, regretter l'absence totale de Riton, le cinquième luron de la bande.

Le traitement

Les auteurs de cet hommage connaissent leur sujet, c'est sûr. Ce n'est pas pour autant qu'ils arrivent à restituer la joie de vivre et le délire perpétuel qui se dégage d'un album de Lucien dessiné et scénarisé par Frank Margerin. Les histoires proposées sont souvent peu crédibles. Lucien qui se découvre une fibre artistique, Nanard qui se marie, on n'y croit pas une seconde. De plus, certains auteurs (Constant et Cornette, Frissen et Buche, Pétillon et Rochette) ont volontairement misé sur l'anachronisme pour rendre hommage à Lucien. Dans 25 piges, on peut ainsi voir Ricky et Gillou jouer à la X-BOX, Lucien prendre le numéro de portable d'une jeune fille ou au milieu d'une bande de jeunes aux sweet-shirts floqués « NTM »... Des clins d'oeil qui peuvent paraître amusants mais qui tachent surtout le charme de ce héros typiquement "eighties". L'épisode utilisant le ton le plus juste, suffisamment éloigné du style original mais multipliant, en seulement trois planches, les références à la série, est celui signé Julien et Mo/cdm : Cosmik Lucien. Par un scénario inattendu, ces deux auteurs rendent un bel hommage à Lucien en ne cherchant pas faire une copie forcée et tirée par les cheveux de l'ambiance "humour au quotidien" d'un épisode signé Margerin.

Remake ?

Le problème d'un remake, c'est qu'il souffre toujours de la comparaison à l'original. Un film comme Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel n'est pas une mauvaise production en soit, mais est constamment rabaissé par le fait qu'on le dénigre face à l'oeuvre gargantuesque et « cultissime » du "maître" Tobe Hooper. La comparaison est peut-être lointaine, mais elle est justifiée. Lucien, 25 piges est bien touché par ce syndrome "remake". Cet album n'est pas foncièrement mauvais mais souffre de ne pouvoir échapper à la comparaison avec une oeuvre inimitable. Même si le but n'était pas ici de "refaire" Lucien mais de lui rendre hommage, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il vaut mieux relire dix fois Ricky chez les ricains ou Radio Lucien plutôt que de se plonger dans 25 piges.


Lucien, 25 piges est un hommage sympathique, qui, espérons-le, aura touché Frank Margerin, mais qui s'avère être une assez grosse déception pour les fans de la série. Quant à ceux qui ne connaissent pas ou peu la série Lucien, mieux vaut pour eux commencer avec n'importe lequel des huit tomes signés Margerin plutôt qu'avec ce neuvième épisode qui ne reflète pas du tout la drôlerie des personnages et des situations abordées dans « l'oeuvre originelle ».