7/10Litteul Kévin : neuvième tome, tome neuf ?

/ Critique - écrit par riffhifi, le 20/01/2011
Notre verdict : 7/10 - Litteul Big Mâle (Fiche technique)

Tags : kevin litteul coyote tome fluide glacial lombard

Litteul Kévin deviendra grand... même s'il prend son temps, le bougre, comme la plupart des héros de BD. En attendant, il dispense la bonne humeur depuis près de vingt ans avec sa famille de bikers bourrus et vanneurs.

Après avoir sévi durant de longues années dans Fluide Glacial, Litteul Kévin et son entourage ont pointé aux abonnés absents durant une demi-douzaine d'années, avant de reparaître fin 2009 chez Le Lombard. La saga familiale est désormais riche d'un neuvième album. L'album du neuf ? La couverture laisse supposer que le moutard héros soit enfin sur le point de basculer de l'enfance à l'adolescence, vivant ainsi une évolution finalement assez rare chez les personnages de bande dessinée. Mais après tout, le Lucien de Margerin a bien sauté le pas qui séparait le jeune adulte du quinquagénaire grisonnant.

En réalité, ce tome n'est pas vraiment celui de la rupture ; du moins, pas aussi clairement que son affiche laisse présager. Le clan biker, qui vivait jusqu'ici sous l'égide virile du velu Chacal (alter ego à peine déguisé de l'auteur Coyote), doit désormais composer avec la présence d'un patriarche survenu tardivement, après avoir laissé son fils passer son enfance à la DDASS. Quelques rancœurs subsistent forcément, mais la bonne humeur prend le pas comme toujours par la vertu de la rigolade, du jeu de mots et de la tendresse. Cette dernière composante est de plus en plus présente, même si elle a toujours été le moteur de la série. A la manière de la famille de Hank Moody dans Californication, ou même de la fameuse famille Addams, Kévin et ses parents sont aussi soudés et affectueux qu'ils sont excentriques et asociaux. Finalement, on ne défend rien d'autre ici que les vertus les plus traditionnelles : la tolérance, la courtoisie... même si leur application n'exclut pas la rock'n'roll attitude, les coups de gueule ou de pieds au cul, et surtout les insultes fleuries (mais jamais fondamentalement méchantes).

Et Kévin, dans tout ça ? Il reste l'éternel gamin innocent, dont l'apparence contraste avec celle résolument adulte de ses géniteurs (le père barbu et nonchalant, la mère aux seins titanesques), mais dont l'attitude dénote une sérieuse compréhension de leurs problématiques (le sexe, les motos, etc.). Son éveil personnel semble toutefois avoir fait quelques avancées : ayant désormais renoncé à courtiser sa babysitter Frida, trop vieille pour lui, il se décide enfin à s'occuper de Vanessa, une amie de son âge. L'exploration du monde des grands passe également par la folie douce de son copain Cahuète, animé de pulsions parfois inquiétantes.

Le trait de Coyote fait partie du plaisir que Litteul Kévin procure depuis près de vingt ans : riche et précis, il est apparenté à celui de Solé, un autre grand barbu de la maison Fluide. De là à dire qu'il existe une corrélation entre style et pilosité... Les amateurs de détail se régaleront une fois encore de ceux que l'artiste glisse dans ces décors (à la page 13, saurez-vous identifier toutes les allusions glissées dans la dernière case ?).

Comme le précédent, cet album est disponible en noir et blanc ou en couleurs, au choix. Les deux se défendent, mais les nostalgiques préfèreront sans aucun doute la première option. Alternant avec équité les histoires consacrées à Kévin et celles dédiées à son père Chacal, le tome s'achève joyeusement sur une ouverture vers la suite, que l'on espère prochaine.