6.5/10Last Bullets

/ Critique - écrit par riffhifi, le 05/06/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Red Bullets (Fiche technique)

Tags : last bullet bullets balle ozanam prix guerre

Quand le western rencontre le conte de fées... L'idée est originale, le graphisme sort de l'ordinaire, mais l'album laisse un peu à la rue.

Le label KSTR est une sorte de labo, où peuvent éclore les inventions les plus farfelues, monstres difformes comme réussites hallucinantes. Antoine Ozanam y sévit régulièrement, puisqu'on lui doit ces derniers temps Face contre ciel, Le chant des sabres et King David, en collaboration avec trois dessinateurs différents... Cette fois, c'est avec le Brésilien Lelis qu'il signe ce Last Bullets résolument étonnant.


Nous sommes en 1864, aux Etats-Unis. Donc en pleine guerre de Sécession, où s'activent une troupe de coupe-jarrets confédérés composée de Forest, Mac et William, laissés orphelins de leur bataillon après un carnage particulièrement sanglant. Leur route va croiser celle de quelques lutins et d'un centaure, avec qui ils partiront en quête d'un trésor.

Ozanam aime autant le western que les contes et légendes féeriques, c'est évident à la lecture de ce Last Bullets déroutant, qui juxtapose les deux univers sans hésiter. Le dessin de Lelis fait un peu penser à celui de Blutch, pour son usage de traits faussement hésitants et ses physiques déformés, mais trouve sa propre personnalité dans la colorisation à l'aquarelle, aux tons gris-rouge envoûtants occasionnellement traversés du bleu des Yankees ou du vert de l'herbe. On ne peut pas décemment reprocher à cet album de marcher sur des sentiers battus, ni de le faire avec des grolles de marque vues à la télé.

En revanche, sur la centaine de pages proposées, il n'en faut pas plus d'une dizaine pour commencer à se perdre dans la narration, aussi bien par la faute de la ressemblance des personnages (toutes quenottes dehors !) et des décors forestiers interchangeables qu'à cause d'un scénario qui caractérise trop vaguement ou trop tard ses protagonistes. En gros, on capte qu'il est question de Sudistes cupides, de lutins et de farfadets, d'hommes-arbres échappés de
mythologies sylvestres et d'une chasse au trésor qui équivaut à une version "enchantée" de celle du Bon, la Brute et le Truand... Mais on ne parvient pas vraiment à s'attacher aux héros, mal dégrossis et souvent bizarrement introduits. Par exemple, Mac est cité dès la page 5, mais on ne comprend de qui il s'agit qu'à la page 13 ; par ailleurs, un des quatre survivants du massacre d'ouverture n'a pas de nom et disparaît progressivement sans raison apparente...

L'album ne manque pas de caractère, et parvient à intriguer tout en mêlant la cruauté de la fiction (les créatures mythologiques ne se font pas de cadeau) à la violence de la réalité (la guerre de Sécession et le sang qui y gicle copieusement) ; dommage que l'intrigue et les personnages peinent tant à se faire une place dans ce tableau étrange. Le défaut de l'album n'est pas tant un manque d'idées qu'une relative maladresse formelle, qu'on imagine corrigeable avec le temps. Après tout, KSTR n'est-il pas un laboratoire ?...