5/10Kari

/ Critique - écrit par riffhifi, le 21/11/2008
Notre verdict : 5/10 - Au bal du diable (Fiche technique)

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Une œuvre indienne qui ne manque pas de personnalité, mais dont la maladresse dessert le propos. A trop vouloir éviter les codes de la bande dessinée, Amruta Patil perd autant en clarté qu'en émotion.

La bande dessinée, on la connaît européenne, américaine, nippone et chinoise, mais on entend très peu parler des auteurs indiens. L'éditeur Au Diable Vauvert s'emploie à combler ce manque en publiant le premier tome d'une trilogie annoncée, signée de la jeune scénariste-dessinatrice Amruta Patil. Formée aux Beaux-Arts de Boston, elle fourmille de projets puisqu'elle prépare également un pavé de mille pages consacré aux cinq mille dernières années de l'histoire de l'Inde ! En attendant, c'est 112 pages de Kari qui sont offertes au lecteur. Kari,
comme son nom l'indique, ça fait mal, mais pas toujours conformément aux intentions de l'auteur...

Kari et Ruth s'aiment. Mais dès les premières pages, les deux femmes se jettent de leurs immeubles respectifs, provoquant le départ de la première vers de nouveaux horizons. On nage en pleine métaphore, et la suite naviguera à vue entre confrontations cruelles à la réalité sordide et envolées lyriques au pays de la poésie intérieure.

Par courts chapitres aux titres assez inutilement descriptifs (Double suicide, Chevelure féérique, Crystal Palace, Le temps des visites... 18 en tout, qui morcellent le récit sans pitié), Patil dévoile la quête de son personnage, poète parmi les marchands, homo parmi les hétéros, passeuse parmi les mortels. Sa rencontre avec Angel (quel nom !) est essentielle pour son évolution : atteinte d'un cancer qui s'apprête à avoir raison d'elle, devenue chauve à cause de son traitement, Angel continue à exercer son métier qui consiste à mettre sur pied une campagne publicitaire pour un produit appelé... Chevelure Féérique. Au-delà de cette cruelle ironie, le personnage offre à Kari une occasion de regarder le monde sous un angle nouveau, étrangement moins négatif.


L'ambition ne manque pas dans cette bande dessinée où se bousculent différentes techniques graphiques, où la peinture chevauche le crayonné, où le photomontage couleur s'immisce entre deux pages de gros trait en noir et blanc. La cohérence visuelle n'est pourtant pas ce qui pèche à l'arrivée ; ce qui déroute le plus, et risque de perdre bon nombre de lecteurs en route, c'est la lourdeur de la narration et de ses longs pavés placés en exergue des images. Répétitions, abus de velléités littéraires là où l'image aurait pu se suffire à elle-même, on finit par décrocher de la vie de Kari, pas parce qu'elle appartient à une culture inconnue (car à quelques détails près, l'histoire pourrait avoir lieu n'importe où), mais parce que la grammaire du récit souffre d'éparpillement et de noyade de poisson. A tel point que quand les mots « A suivre » arrivent, on se demande franchement en quoi les évènements justifient une quelconque prolongation. Dommage, mais on reste curieux de savoir ce que donnerait un album où l'auteur maîtriserait mieux son style.