4/10Le Juge sans terre - Tome 1 - Lumière éteinte

/ Critique - écrit par athanagor, le 12/01/2010
Notre verdict : 4/10 - Le juge est parti (Fiche technique)

De Londres à Villefranche-sur-Saône, le personnage passe la Manche comme une frontière entre le camp des suspects à celui de la Loi, mais la foison des propos empêche le lecteur de vraiment le suivre.

Présentée comme une œuvre remarquable, jouant sur l'épaisseur d'un personnage peu commun aux prises avec de mystérieux évènements et ses propres craintes, cette BD a beaucoup de mal à convaincre. Emberlificotée dans les différents aspects historiques et par la tenue du propos en simultané en France et en Angleterre, le trio d'auteurs propose avant tout un ouvrage difficile à suivre.

Dès le début, on peine à comprendre ce que l'on vient de lire, mais on se dit que c'est fait exprès, pour nous tenir en haleine et que tout ce passage nous Pour y échapper, il faut fuir ou...
Pour y échapper, il faut fuir ou...
sera expliqué dans 5 ou 11 tomes. Alors on ne s'inquiète pas. Puis l'action avance, et on commence sérieusement à se dire que le tome final devra comporter un sacré nombre de pages, avec des schémas, des flèches et, ça et là, des images à colorier pour se reposer un peu. En effet, tout du long, les deux intrigues se chevauchent et semblent s'interdire mutuellement un développement suffisamment constant pour permettre au lecteur d'en appréhender la cohérence. N'étaient les personnes en charge des différentes enquêtes, ce qui constitue quand même le cœur de l'histoire, on a beaucoup de peine à expliquer la présence de certains acteurs, et pourquoi ils disent ce qu'ils disent. Non pas qu'ils soient apparus ex nihilo, mais entre l'évocation d'un suspect et de ses probables motivations et son apparition, il se passe 4 pages sur l'enquête d'à côté, dans laquelle l'enquêteur de l'autre est un suspect potentiel, dont les motivations font également l'objet d'une spéculation qu'on aura bientôt oubliée. De retour sur la première affaire où le suspect apparaît enfin, on ne sait plus pourquoi il est suspect ou s'il s'agit bien de ce suspect-là. Il faut donc prendre des notes sur deux carnets différents.

Pour ceux qui ne trouvaient pas ça encore assez difficile, il faudra prendre en compte le trait de Stalner. Pourtant capable (comme il su maintes fois le démontrer, notamment dans Le cercle de Minsk) d'assurer avec aisance les illustrations d'histoires complexes, il semble ici bien embêté, et nombre de cases ne sont pas belles du tout, voire même... S'il n'y avait que ce point esthétique hautement subjectif à prendre en compte, il ne serait pas ... se cacher.
... se cacher.
valable dans ce propos. Mais ces approximations embrouillent encore plus le pauvre lecteur qui cherche désespérément à y voir clair. Déjà, les yeux parfois lui piquent, mais en plus son sens de l'observation est mis à rude épreuve quand on lui demande de reconnaître certains personnages sous des traits qui n'étaient pas réellement les leurs quelques pages avant, quand on n'était pas encore allé faire un tour sur l'enquête d'à côté. C'est encore plus embêtant quand il semble que le dessin a voulu donner aux protagonistes la semblance de quelques figures connues. Ainsi, pour quelques cases, l'inspecteur anglais est une copie crachée de Peter Cushing, puis non, c'est fini. De même, un curé faisant son apparition à la fin est le fidèle portrait de Gérard Philippe, mais seulement le temps d'une case. Après il ressemble à quelqu'un d'autre, qui n'est définitivement pas Gérard Philippe. Heureusement, c'est le seul curé de l'histoire. Tout aussi heureusement, le personnage principal, ce juge dont l'épaisseur qui nous a été vendue précédemment ne semble être que la traduction littérale du terme anglais « thick », est aisément repérable grâce à son haut-de-forme et surtout grâce à son œil en moins, masqué par un monocle noir en guise d'eye-patch, accessoire auquel il faut bien reconnaître une certaine efficacité symbolique, évoquant un mélange entre homme d'action et homme d'esprit. Mais sans ses attributs vestimentaires, aurions-nous pu le reconnaître à tous coups ?

L'impression finale restera donc négative, entre les efforts consentis pour tenter de raccrocher sans cesse les wagons d'une intrigue binaire et ceux déployés dans l'identification des illustrations. On ne sera donc pas tenté par la lecture du tome suivant, quand bien même il offrirait les clés d'une intrigue dont on est resté si éloigné qu'on ne s'y intéresse pas vraiment.