9/10Le Journal d'un remplaçant

/ Critique - écrit par Amiral, le 02/02/2008
Notre verdict : 9/10 - Monsieur Patate et l'Education Nationale (Fiche technique)

Le Journal d'un remplaçant est un roman graphique saisissant où la réalité des faits saura vous prendre à la gorge sous la douceur apparente du dessin.

Peut-être l'ignorez-vous, mais vous connaissez sans aucun doute Everland depuis quelques temps grâce à votre télévision. Du moins devrions-nous dire que vous avez déjà fait connaissance avec ses patates aux yeux globuleux, promouvant les offres d'une grande société d'assurance sur toutes les chaînes hertziennes. Ceux qui suivent le parcours d'Everland depuis ses débuts se sont sans doute amusés de constater l'envergure nationale de ce clin d'œil, mais il serait cependant mal venu de résumer son travail de qualité à ce simple spot publicitaire.

Everland est avant tout un homme : Martin Vidberg. Enseignant de 27 ans amoureux de son métier ; bercé dans l'atmosphère des écoles d'antan, où les instituteurs vêtus d'une blouse inculquaient les fondamentaux dans une classe commune. Marqué par ce décor mêlé d'Être et Avoir, le jeune garçon fait le souhait de ne plus jamais le quitter en suivant à son tour cette voie. Diplôme en poche, Martin Vidberg fait à l'instar de tous ses confrères, ses premiers pas en tant que remplaçant dans divers établissements. Jusqu'au jour où l'administration le catapulte dans un Institut de Redressement pour jeunes en difficulté. Démuni face à ces enfants rejetant le système éducatif et dépourvu d'expérience dans ce domaine, Martin Vidberg met de côté ce qui lui a été inculqué pour instaurer un véritable dialogue entre élève et professeur. Mais quelle attitude adopter face à des gosses abîmés par la vie et exprimant avec violence leur mal-être ? Les désillusions se succèdent au même rythme que les remises en question. Seul les rares progrès permettent de conserver la tête haute et ne pas abandonner face aux insultes et pressions quotidiennes.

Face à un malaise grandissant, Martin Vidberg ressent naturellement la nécessité de l'exprimer. Passionné de Bande Dessinée et fan de Lewis Trondheim, il occupe ses loisirs en réalisant lui-même des planches dans son propre style : lignes claires, personnages et environnement se rapportant à l'enfance, écriture d'écolier soignée. Pourtant, derrière cette facette débordante de naïveté est narrée la crue réalité. Ainsi, l'auteur grave à travers un dessin ludique les difficultés de son métier d'enseignant, mais aussi de fonctionnaire engrené dans les rouages de l'Education Nationale. A travers son témoignage authentique, débordant de justesse et de sensibilité, Everland devient l'étendard de tout un corps exprimant la faillite du système, son manque de moyens et de soutien. Une situation préoccupante où les multiples réformes ne parviennent pas à épargner les premiers touchés par ces carences : les enfants.

Au fur et à mesure que les pages s'affichent sur internet, les anonymes attirés par le bouche à oreille, ne peuvent se retenir pour féliciter l'initiative d'Everland. L'histoire voulant que le mentor qu'il admirait tant, le contacte un jour pour éditer son journal.

Aujourd'hui, Everland est souvent sollicité pour participer à des festivals, ou réaliser des projets graphiques. Mais derrière sa facette d'artiste farceur, adepte des jeux de mots et de l'humour facile, l'homme n'en oublie pas pour autant sa vocation première. Vidberg jongle avec brio sur ses deux casquettes tout en restant modeste. Le Journal d'un remplaçant est un roman graphique saisissant où la réalité des faits saura vous prendre à la gorge sous la douceur apparente du dessin. Une oeuvre simple et sincère, qui mériterait d'être davantage être mis entre les mains de hauts fonctionnaires publiques s'embêtant à dépenser des fortunes pour connaître les réalités du terrain à travers les commissions d'Attali.