3.5/10Le Journal de Carmilla - Tome 1 - Reproduction interdite

/ Critique - écrit , le 30/10/2006
Notre verdict : 3.5/10 - Et ce n'est que le Tome 1 (Fiche technique)

Le journal de Carmilla ressemble à un Hélène et les garçons sur papier : gnan-gnan à souhait sans en comprendre le phénomène. En un mot, loin d'être "steack" comme dirait notre amie Laurel.

C'était la petite secousse attendue du net : le premier album illustré par la médiatique Laurel. Pour ceux qui seraient passés à côté de ce phénomène capillaire, Laurel est une dessinatrice qui s'est fait connaître en exposant les moindres détails de sa vie sur son blog. Mais attention, même si au début, mademoiselle rédigeait des pans entier de textes indigestes similaires à tous les journaux intimes pour adolescente, elle a montré aussi ce qu'elle avait dans le ventre. Avec son coeur, Laurel dessine. Sa fille, ses ex, sa famille, ses problèmes, ses fantasmes, ses joies, ses peines, les gamins mal élevés, les gorilles endimanchés cultivant un certain racisme à l'encontre des chapeaux excentriques... Tout passe au scanner à crayon lorsqu'elle ne trouve pas un appareil photo sous la main. Mais le blog de Laurel, ce fut surtout pendant une longue période des polémiques inutiles sur les croquis exposés par la maîtresse des lieux, des insultes plus ou moins gratuites, des débats dépassant rarement le ras des pâquerettes. Bref, si Laurel n'avait pas autant de facilité à représenter sur papier son univers, ce "jardin secret" aurait rejoint depuis longtemps l'anonymat des skybloggers.


Avant la sortie du Journal de Carmilla, la jeune femme présentait à ses fans hystériques des extraits de son travail. Pour accentuer davantage la publicité, elle demanda à plusieurs célébrités de la blogosphère de lui faire des dédicaces spéciales Carmilla. Ainsi, en ouvrant la couverture, nous retrouvons des clins d'oeil de Lewis Trondheim, Boulet, Miss Gally, Arthur de Pin, Fabrice Tarrin, Frodon, Maliki, etc. Tout les VIP du net se sont ainsi retrouvés pour fêter l'événement. Mais cela est-il suffisant pour satisfaire l'appétit féroce des lecteurs ? Le doute s'installe... Le journal de Carmilla est une bande dessinée maladroite, que ce soit sur le plan scénaristique... ou graphique !


Lorsque nous lisons les préoccupations de cette adolescente en proie à de nombreuses questions d'ordre affectif, une interrogation nous vient à l'esprit : étions nous aussi dénués de lucidité à son âge ? Carmilla a 13 ans et demi. Elle est en 4ème, dans un collège où le directeur novateur a trouvé la solution à tous les problèmes que posent le respect de la laïcité : créer une salle ostentatoire où tout le monde pourra afficher dans un lieu précis ses différences. Dans cette foule de personnes affirmant leurs identités, Carmilla retrouve Jonathan. Le plus beau mec de la classe, obsédé par le ballon rond. La jeune fille ne connait rien au foot, ignore les règles du jeu et le nombre de joueurs telle une star académicienne ne sachant pas qui sont les Beatles (véridique). En attendant de pouvoir conquérir le coeur de son bien aimé, Carmilla organise des rendez vous avec le Tagada's club. Un cercle de filles très fermé constitué de ses meilleures amies. Angélique l'haïtienne vaudou, Staffi la rousse sportive et Jenny, la blonde dont tout le monde envie le corps de rêve. Ensembles, elles rigolent, évoquent leurs rêves cachés, confient leurs soucis. Notre héroïne est tracassée par l'arrivé éventuelle d'un petit frère (mon dieu, quel stress intense en effet...). Un présage qui n'indique rien de bon pour elle et Mina, sa petite soeur intello. Enfin intello ... Oui Mina connaît la date d'arrivé sur le marché de la pilule contraceptive (et surtout depuis quand elle est remboursé par la sécu). Elle n'est jamais bien loin de Carmilla pour lui éclaircir davantage les nombreuses zones d'ombre de cette dernière, on ne peut pas dire que ce soit difficile. Carmilla est une blonde teintée, victime de tous les clichés et renfermée dans son monde. Comme toutes les ados, elle trouve que ses parents craignent et se demande comment ils ont pu vivre sans téléphone portable et MP3. Mais outre ces détails technologiques secondaires, Carmilla est la risée de son père. Un ancien punk honorable comprenant que sa fille puisse voler à son âge des disques de musique mais effaré de voir Lara Fabian trôner en guise de mauvais goût. Bref, d'autres anecdotes viennent arpenter le journal de Carmilla. Ainsi, l'album se divise en différentes petites histoires qui se suivent. Le tout sur un ton enfantin, trop sans doute pour une fille de son âge. Pour résumer: c'est cul-cul.


Comme si cela ne suffisait pas, Laurel en rajoute des tonnes dans ce sens. Avec son trait arrondi, ses couleurs rose bonbon, ses peluches, les oiseaux, les papillons, ses clins d'oeil à tous ses amis du net, le dessin façon Oui-Oui. Il ne manque plus que les gros ronds sur les "i" pour couronner le tout. Remarquez, ce n'est pas réellement un problème en soit lorsque nous voyons le scénario. La dessinatrice ne fait que suivre le ton du récit. Mais la technique comporte quelques lacunes. Beaucoup de plans américains obstruant les décors, des incrustations d'effets peu originaux censés traduire des émotions figées par les protagonistes eux même. Leurs têtes sont le plus souvent tournées vers le lecteur même lorsque le reste du corps est de dos (voir Carmilla faire la chouette page 13). Laurel semble peu à l'aise lorsqu'elle dessine un plan général. Les personnages manquent de détails, la composition de la case demeure assez sobre. En effet, on a l'impression qu'elle tente de combler ce vide via Photoshop tandis que les plans rapprochés gâchent son trait avec cette technique, alors que l'encrage se suffirait à lui même... On ressent ses mauvaises habitudes du blog : dessiner des êtres humains sur une feuille vierge, dans la même posture, avec son Pentel, sans varier les thèmes pour s'entraîner...


Le journal de Carmilla ressemble à un Hélène et les garçons sur papier : gnan-gnan à souhait sans en comprendre le phénomène. En un mot, loin d'être "steack" comme dirait notre amie Laurel.