7/10La Jeunesse de Blueberry - Tome 17 - Le sentier des larmes

/ Critique - écrit par riffhifi, le 10/11/2008
Notre verdict : 7/10 - Le Petit Poucet aussi s’est fait un sentier de larmes, mais elles ont séché. (Fiche technique)

Suite et fin de l'histoire commencée l'an dernier dans 100 dollars pour mourir. Un petit côté "livre d'Histoire" ralentit une action pourtant bien menée. Du western à la papa qu'on apprécie toujours autant.

Après un résumé de moins d'une page (ah oui, on n'est pas chez Empire USA là, madame), cette deuxième partie du diptyque entamé par 100 dollars pour mourir nous ramène dans le bureau d'Abraham Lincoln, qui confie à Allan Pinkerton ses inquiétudes sur la situation. Les amateurs d'Histoire se souviennent que Pinkerton est le chef du service de détectives privés chargés notamment de la protection de Lincoln, et que leur réputation en prendra un sacré coup lorsque le président sera assassiné au cours d'une représentation théâtrale... Mais n'anticipons pas, car si Corteggiani aime dispenser les informations historiques les plus érudites au lecteur, c'est uniquement sur la période en cours : le scénariste
n'hésite pas occasionnellement à se lancer dans deux pages d'explication du style « suite au traité scélérat de "New Echota" signé par la délégation Ridge qui cédait aux Etats-Unis pour cinq millions de dollars les vastes terres des Cherokees », etc. Loin d'être inintéressants en eux-mêmes, ces intermèdes donnent tout de même la curieuse impression d'avoir posé la bd d'aventure qu'on était venu chercher pour aller ouvrir l'Encyclopedia Universalis à une page choisie au hasard.

Ces indications, pour didactiques qu'elles soient, permettent de donner du poids à une histoire qu'on pourrait avoir l'impression d'avoir déjà vue quelque part : plusieurs groupes qui se tirent la bourre dans une chasse au trésor, c'est plus ou moins déjà la trame d'un certain chef-d'œuvre de Sergio Leone appelé Le bon la brute et le truand... Film auquel une case de la planche 9 semble faire un discret clin d'œil (« Qu'est-ce que vous croyez... Quand je tire, je discute pas, moi ! »). Puisqu'on est dans les clins d'œil, on se demande si le personnage nommé Johnny Craig l'a été en hommage à l'auteur de comics du même nom, mort en 2001, qui officiait sur les récits d'horreur de EC dans les années 50. De fait, ce 17ème tome de la jeunesse de Blueberry tire de façon inhabituelle sur le mysticisme et le surnaturel. Le vieil Indien John Bear's Fingers est le garant de cet aspect, qui occupe une bonne partie de l'album, sans pour autant faire tomber dans le fantastique une série qui se passe bien en amont des aventures chamaniques du héros de Jean Giraud (sans parler de son adaptation cinématographique délirante).
Curieusement, la partie réaliste de l'album est principalement occupée par Walter Baumhoffer de l'agence Pinkerton, un pistolero brun et moustachu qu'on aurait volontiers vu rôder dans une histoire de Zorro... Pris en sandwich entre l'univers des Indiens et celui des agents secrets, peu concerné par la quête du trésor, le lieutenant Mike Blueberry qui donne son patronyme à la série est en réalité assez absent du déroulement de l'intrigue, et se contente d'y figurer en observateur.

Malgré ces quelques entorses faites à la recette traditionnelle du western à l'ancienne, ce volume n'en reste pas moins d'un classicisme et d'une efficacité appréciable, dus au savoir-faire de Corteggiani et du dessinateur Michel Blanc-Dumont ; leur duo s'est largement imposé comme un remplacement valable de l'équipe Charlier-Giraud qui avait inauguré ce spin-off de Blueberry au début des années 70. Un nouvel album ? Mais comment donc, il est déjà en route sous le titre annoncé de 1276 âmes...