7.5/10Jessica Blandy - Tomes 1 à 3

/ Critique - écrit par riffhifi, le 01/03/2010
Notre verdict : 7.5/10 - Roman noir pour Blandy (Fiche technique)

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Alors que la saga policière de Dufaux et Renaud connaît un court spin-off appelé La route Jessica, Dupuis entreprend de rééditer les 24 tomes en agréables petits formats. Au programme : meurtres brutaux et femmes à poil.

A la fin des années 80, la bande dessinée avait fini sa maturation vers un art
adaptable à différents publics. Après deux décennies de provocations et d'humour ado-adulte, les petits miquets pouvaient se permettre d'évoluer au sein d'histoires sérieuses destinées à un public de "grands", sans qu'une quelconque censure ne s'émeuve du sang versé ni des tétons exhibés. Dans un style apparenté au XIII de Vance et Van Hamme, Jessica Blandy débarque en 1987, sous la plume de
Jean Dufaux et le crayon de Renaud Denauw (qui signe Renaud). L'héroïne est une femme volontaire, active professionnellement (elle est journaliste-écrivain-aventurière, un métier répandu chez les héros de BD - mâles jusque là) et sexuellement (avec les hommes - mariés ou pas, avec les femmes), qui ne s'en laisse pas conter et fréquente toutes sortes de gens (détectives privés douteux, flics ripoux, etc.). D'abord éditée par Novedi, la série passera dans les mains de Dupuis à partir du tome 7, tandis que Dufaux deviendra le scénariste ultra-prolifique que l'on connaît aujourd'hui (Murena, Rapaces, Djinn...). Jessica Blandy s'est achevée en 2006 avec son 24ème tome, mais Dufaux et Renaud ont remis le couvert dès 2009 pour un spin-off appelé La route Jessica, qui en est déjà à son deuxième épisode... Il était temps de passer la saga au format "intégrale", prévue en huit volumes ; les dimensions réduites et l'absence de bonus autre qu'une préface en font davantage une édition "facile à lire" qu'un objet collector.

Souviens-toi d'Enola Gay + La maison du Dr. Zack


Les deux premiers albums constituent un diptyque. Brutalement privée de son amant Scott Mitchell (notez le patronyme parfaitement ringard, qu'on imagine bien arboré par David Hasselhoff dans une série télé), Jessica cherche à savoir qui a pu assassiner cet innocent quadragénaire et sa famille (parce que oui, elle se tapait sans scrupule un bon père de famille - qui de fait était plus quadragénaire qu'innocent). Naviguant de meurtre en meurtre, côtoyant un flic obèse et malsain probablement inspiré du personnage d'Orson Welles dans La soif du mal, la donzelle exhumera une vieille et sordide histoire de vengeance.

Un peu longuette par moment, l'enquête marche sur les travées du roman noir américain de l'époque, avec ses figures imposées et ses obsessions. L'approche franco-belge des thèmes étasuniens fait encore une fois penser que Jessica Blandy aurait pu être écrit par le Van Hamme de XIII et Largo Winch, malgré sa nature plus ouvertement sexuée.

Le Diable à l'Aube

Plongeant Jessica dans les marais du bayou et l'offrant en pâture à ses habitants consanguins dégénérés, cet album offre une virée dans les profondeurs de l'Amérique redneck. Prise en otage par deux bouseux, l'héroïne va voir sa
situation (déjà pas brillante) dégénérer progressivement...

Passant du statut d'enquêteuse à celui de victime, du mode actif au mode passif, la jeune femme se révèle aussi attachante qu'attachée. Si l'histoire de kidnapping  et de trahisons ne vole pas bien haut, la peinture de la famille d'affreux vaut son pesant de cacahouètes, et rappelle aussi bien les tarés de Massacre à la tronçonneuse (en plus supportable, toutefois) que les sadiques rencontrés récemment au détour d'un épisode de Jonah Hex. Bien que la marge d'action de Jessica soit limitée, sa personnalité s'enrichit de nouvelles facettes à mesure qu'elle apprend à connaître ses ravisseurs, dans une exploration du syndrome de Stockholm assez inhabituelle.