5.5/10Jacques - Tome 3 - Relativement discret

/ Critique - écrit par riffhifi, le 13/01/2010
Notre verdict : 5.5/10 - Quelle heure reptile ? (Fiche technique)

Tags : tome lezard jacques libon geant livres cavaliers

Libon rajoute une couche à la chronique placido-bébête du petit lézard géant qui sème la panique malgré lui. La série tourne en rond, et menace de sombrer dans la léthargie.

Le deuxième tome commençait à patiner, ce troisième tour de piste confirme la triste vérité : Libon ne sait déjà plus quoi faire de son petit lézard géant. Récapitulons : Jacques est un lézard mutant, il parle, et ne ferait pas de mal à une mouche. A cause de sa tronche de créature du lac noir, il fait peur à la plupart des gens. Heureusement pour lui, il a été adopté par une mamie myope comme une
taupe (lointain clin d'œil à Frankenstein, où la créature se liait d'amitié avec un vieil aveugle ?), et son petit-fils moins con que la moyenne. Le problème, du point de vue du lecteur, c'est que rien ne se passe depuis la fin du premier tome. La situation n'évolue pas d'un pouce, et Jacques pourrait aussi bien rester chez Mamie durant cent-quatorze tomes, à manger du jambon-purée en regardant la télévision. L'humour ne peut naître que de la confrontation entre le lézard et le monde : Libon pousse donc son héros à traîner dans les rues, et assaisonne la salade d'un petit mystère sur un monstre mangeur de chapeau. C'est-y Jacques, c'est-y pas Jacques ? En même temps, on s'en cogne sévèrement, puisque ledit monstre ne paraît pas particulièrement dangereux. La presse et l'armée semblent néanmoins intéressés par le sujet...

L'humour répétitif de la série, qui consiste à dépeindre des personnages stoïques s'exprimant de façon simplette, est ici poussé à son paroxysme, à la limite de l'auto-parodie gonflante. A force de cultiver le mal-parler, Libon laisse passer de vraies fautes de français, voire de grosses coquilles que l'on rencontre rarement dans les publications Dupuis scrupuleusement relues (« traquilles » au lieu de « tranquilles », page 33). L'histoire tourne à vide, simple prétexte à faire prendre un bol d'air au reptile vedette, sans chercher à faire le moins du monde avancer le schmilblick : quel est son destin, quelles sont ses capacités, sa personnalité, ses envies ? En dehors de son aspect, Jacques n'a finalement pas la moindre parcelle
d'intérêt, ce qui oblige l'auteur à lui accoler quelques personnages secondaires plus ou moins pittoresques (ici, le malfrat taillé en armoire à glace). Mais leurs bouilles rigolotes ne suffisent pas à sauver la mise d'un scénario paresseux, sans finalité et surtout (grave !) sans vrai moment de grâce comique, hormis peut-être quelques gags liés au déguisement du héros. En un mot, on ne rit pas, et c'est bien dommage. Une nouvelle fois, on se demande si Libon ne cultive pas avec Jacques un simple gagne-pain destiné à un public jeune et peu exigeant, tandis qu'il s'éclate chez Fluide avec le plus audacieux Hector Kanon, dont le deuxième tome est sorti il y a peu.

Cependant, la couverture rose flashy où apparaît - sous le titre Relativement discret - le zigoto vert affublé d'un chapeau, dans une marée d'humains à la bouille biscornue, est particulièrement réussie.